Les données de la recherche comme biens communs. La pluralité des régimes de communalité

DOI : 10.56078/amplitude-droit.731

Résumé

On serait tenté de considérer, d’entrée de jeu, les sources et résultats de la recherche comme des biens communs, c’est-à-dire des ressources partageables dont l’accès devrait être libre. Ce principe de liberté postulerait en amont un accès aisé à la connaissance, donc aux sources et aux travaux réalisés à partir de ces sources. C’est ce que suggère dans son premier article le Code de la recherche évoquant, parmi les objectifs de politique publique, le partage de la culture scientifique, technique et industrielle, la valorisation des résultats au service de la société. Aujourd’hui élevé au rang de droit et liberté garanti par la Constitution, le droit des archives consacre aussi cette idée d’une ressource collective. Mais les données de la recherche sont aussi un lieu d’arbitrage entre intérêts divergents publics et privés. L’accès à ces biens est en l’occurrence concurrencé par de multiples logiques conduisant parfois à leur soustraction de la sphère de publicité. Certaines écoles de pensée contemporaines se sont intéressées aux communs de la connaissance et à la montée en régime propriétariste de certains d’entre eux. Dans l’étude de ce registre de communalité, les éléments de complexité sont de plusieurs ordres. Ils tiennent doublement aux incertitudes quant à la détermination de la part de communalité et à sa préservation.

Plan

Texte

Les sources et résultats de la recherche sur le droit, que l’on pourrait qualifier ensemble de données de la recherche sont les données reçues ou produites à partir desquelles s’élabore la recherche. En réalité, la notion n’est guère circonscrite dans le droit, ni celle de données, ni même celle de données de la recherche. Les données de la recherche paraissent dans plusieurs textes, mais elles n’ont pas pour autant fait l’objet d’une définition générique comme le souligne Agnès Robin dans son ouvrage de référence (2022). Certaines de ces définitions ne sont pas dénuées d’intérêt. L’étude d’impact de la loi sur la République numérique considère les données de la recherche comme :

« Des données factuelles issues d’observations, d’enquêtes, de corpus, d’archives, d’expériences ou d’analyses computationnelles, enregistrées sous tout format et sur tout support dans une forme brute ou après avoir été traitées ou combinées et sur lesquelles se fondent les raisonnements du chercheur et qui sont jugées nécessaires à la validation des résultats du chercheur. »

Cette définition était plus substantielle que celle que donnait l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 2007. Quant à la directive dite open data1, elle les définit ainsi :

« Documents se présentant sous forme numérique, autres que des publications scientifiques, qui sont recueillis ou produits au cours d’activités de recherche scientifique et utilisés comme éléments probants dans le processus de recherche, ou dont la communauté scientifique admet communément qu’ils sont nécessaires pour valider des conclusions et résultats de la recherche. »

Pour intéressantes qu’elles soient, ces définitions n’ont pas vocation à diffuser en dehors des textes qui en précisent le sens. Ce sont des définitions formelles. Quoi qu’il en soit, au fil de ces différents projets, on voit paraître la grande richesse de ce matériau des données de la recherche, et tout en même temps leurs fonctions cardinales. Elles sont fondamentales dans la production de connaissances et indispensables dans leur dimension probatoire. Les données de la recherche sont ce matériau de l’amont à partir duquel s’opère le travail de recherche, données recueillies ou fabriquées dans cet atelier, en somme toute cette génétique de l’écriture scientifique, mais ce sont aussi les productions de la recherche elle-même.

Que ce soit en amont ou en aval, on aurait tendance à penser que ces différents gisements d’information, en contemplation de la fonction que ces informations remplissent, sont ou doivent être en libre accès, dès lors qu’ils participent de cette activité de production de la connaissance, ce d’autant plus lorsqu’elle s’exerce dans la sphère publique. Le principe de liberté de la recherche affiché dans les textes postulerait en amont l’accès le plus aisé à la connaissance donc aux sources et aux travaux réalisés à partir de ces sources. C‘est ce que suggère, dans son premier article, le Code de la recherche évoquant parmi les objectifs de politique publique le partage de la culture scientifique, technique et industrielle, la valorisation des résultats au service de la société2. Instituant un droit d’accès sur le matériau des archives publiques, aujourd’hui élevé au rang de droit et liberté garanti par la Constitution3, le droit des archives consacre aussi cette idée d’une ressource collective4.

Plusieurs théoriciens des communs, en l’occurrence, ont élaboré des doctrines autour de la notion de communs de la connaissance ou de communs informationnels. Benjamin Coriat, un des économistes hétérodoxes qui a beaucoup investi ce thème des communs, dans le sillage des travaux d’Elinor Ostrom, les définit ainsi : les communs dont il s’agit, nous dit-il, « portent sur des ressources intangibles », « qui consistent en des collections d’informations et de connaissances, mais aussi de produits élaborés à partir de cette matière informationnelle » (Coriat, 2020). Ils ont vocation au partage. Ils sont des biens non rivaux et non exclusifs, ce que les économistes nomment les biens publics : « C’est le propre d’une information scientifique ou d’une œuvre littéraire que sa consommation par un individu donné ne prive pas ni n’exclut aucun autre individu de cette consommation.5 »

Mais, au-delà des caractéristiques de non-rivalité et de non-excluabilité, ces ressources doivent être gouvernées d’une certaine manière, au service du commun. La gouvernance est un des critères clés dans cette construction de la figure des communs. Où on comprend que la notion de communs ne qualifie pas en soi les données. Elle renvoie non à des ressources considérées pour elles-mêmes, y compris lorsqu’on les pense partageables, mais à des ressources soumises à des modes de gestion commune, exercés dans un intérêt commun.

Les données de la recherche seraient un exemple de ces communs, somme de biens collectifs disponibles dans l’espace public. Resserrant le focus sur les données de la recherche en droit, à s’en tenir aux sources juridiques à proprement parler, les choses pourraient sembler d’autant plus naturelles voire facilitées, le commun trouvant un point d’appui dans les impératifs d’accessibilité et d’intelligibilité du droit, actifs dans un certain nombre de ressorts qui organisent et encadrent l’accès au droit. Les actes officiels, les lois, les actes réglementaires, les décisions de justice, finalement tous les dispositifs ayant une valeur normative sont en principe de libre accès.

À la vérité, ce matériau n’est pas toujours disponible ou aisément disponible, même si le site Légifrance a fait faire des progrès considérables en la matière. Pour tout un pan de ces sources du droit, matériau en principe de libres parcours du fait à la fois de son mode de production et de sa destination, la question de leur publicisation est une vraie question. On peut notamment évoquer l’exemple des avis du Conseil d’État et des juridictions administratives, des conclusions des rapporteurs publics, les décisions émanant des juridictions du fond6 ou encore ce que l’on nomme l’infra-droit, les petites sources du droit (instructions, circulaires, directives, rapports, etc.)7. Certaines de ces sources sont soumises à des règles de publicité, mais elles restent partielles et passablement complexes. Il y a par conséquent une distance assez considérable entre l’objectif d’accessibilité et la réalité des faits.

En outre, l’univers des archives utiles à la recherche sur le droit, des archives qui parlent du droit, qui parlent au droit est bien plus vaste que celles que produisent les seules instances du droit. Au-delà des textes, de la jurisprudence et autres archives procédant de l’activité juridique, ce sont aussi les archives de toutes sortes d’acteurs qui, faisant usage du droit, font aussi en partie le droit. Et, pour ces sources-là, la question du commun est encore plus complexe à saisir. Elles sont le siège d’intérêts multiples d’ordre privé et public, parfois en forte tension, ceux de l’usager, ceux de l’administration, ceux de la personne privée, le propriétaire notamment, etc. Les acteurs sont nombreux. Le droit des données est pétri de cette pluralité d’intérêts qui tire tantôt vers le commun, tantôt vers l’anti-commun, le privatif, le secret, la confidentialité. Ce n’est pas dire que ces droits, en particulier le droit d’auteur ou le droit des données personnelles, n’auraient pas de légitimité. Simplement, on peut admettre qu’ils cèdent devant l’intérêt public d’accès à l’information publique. Cet impératif est parfois perdu de vue. Le droit des données est fondamentalement un droit du compromis. Si bien que la qualification des données de la recherche en communs informationnels ou en communs de la connaissance est tout sauf évidente. Partant de ce constat, selon une approche plus pragmatique, dans le droit fil des travaux entrepris sur l’échelle de communalité (Cornu, Wagener, 2021), on peut se poser la question de la part de communalité des données de la recherche. La part de communalité, c’est la façon dont le droit prend au sérieux la dimension collective de ces ressources, c’est la façon dont il ménage avec des instruments juridiques cet espace du commun, au moyen de toutes sortes de techniques, allocations de droits, reconnaissances de libertés, servitudes d’utilité publique ou privée, instruments de police administrative, etc.8 Il y a fort à faire sur cet enjeu de disponibilité des données quand foisonnent les théories propriétaristes. L’idée s’imposerait que toute chose devrait naturellement être pensée comme un objet de propriété. En irait-il ainsi des données9 ? Il reste que, dans ce champ, plus spécialement celui des données de la recherche, cette part de communalité selon laquelle les données sont rendues disponibles dans l’espace public, du moins en partie, trouve plusieurs de ses traductions juridiques. Les utilisateurs, diversement nommés administrés, usagers, citoyens, individus, public10, chercheurs ont un intérêt juridiquement protégé à la communalité de ces sources, qui paraît dans plusieurs textes sous des formes extrêmement variées, d’abord du côté du droit public, mais aussi de celui du droit privé.

Côté droit public, c’est par exemple le droit d’accès à des documents publics, prérogative qui s’exerce sur cette mémoire collective produite par les personnes publiques. C’est aussi le droit d’en obtenir communication, le droit de les diffuser, de les exploiter, de les réutiliser, lit-on dans les textes, avec deux sources principales : le Code des relations entre le public et l’administration et le Code du patrimoine qui contient les règles relatives aux archives publiques (livre II). Nous nous concentrerons sur la question de l’accès et de la communication11.

Les ressources de communalité sont aussi du côté du droit privé, dans le champ de la propriété intellectuelle, qui notamment ménage au cœur de cette propriété singulière une sphère de libre exploitation, de libre parcours (le joli terme), le domaine public, exemple assez rare de sanctuarisation de choses soustraites à la propriété, même si sous la Révolution on désignait cet ensemble comme figurant la propriété du public. On y inclut précisément les textes officiels et les décisions de justice. Ces matériaux ne peuvent donner prise à des droits de propriété intellectuelle. On y agrège non seulement les idées mais aussi les théories, les hypothèses scientifiques. C’est le règne de l’inappropriable. C’est encore la possibilité introduite par la loi sur la République numérique pour les chercheurs de reproduire librement leurs articles à l’issue d’un temps assez court, desserrant l’étau des mécanismes de cession de droits parfois consentis pour des périodes très longues, trop longues12.

Les indices de communalité dans ce matériau de la recherche en droit et sur le droit sont par conséquent nombreux, et les justifications en sont diverses. L’une d’entre elles, et non des moindres, est le droit de demander des comptes à l’administration, personnage public, droit d’accéder aux traces qu’elle laisse dans le sillage son activité. C’est tout l’esprit de la loi sur les documents administratifs, texte qui vient dans ce moment particulier de la fin des années 1970 où l’information devient un objet d’attention pour le droit. On plaide une plus grande transparence de la vie publique.

Dans le système précédent, selon Jacques Chevallier citant Pierre Sadran, une « ligne Maginot » de textes organise « le monopole des sources d’information, la rétention des documents et le refus de s’expliquer » (Chevallier, 2019, p. 137). Le tournant des années 1970 est une période de délégitimation du secret administratif. Jacques Chevallier fait encore remarquer que « la fin des années soixante-dix est donc marquée par une exceptionnelle densité de réformes mettant à mal le principe du secret qui était au cœur du modèle administratif traditionnel et lui substituant un droit à l’information […] la transparence devient la norme de référence » (ibid., p. 150). Du moins est-ce ce que l’on entend dans les discours publics, les pratiques sont plus à la traîne. Les lois adoptées dans cet environnement, la mise en forme d’un droit à l’information publique participent du projet de « renforcement des droits du citoyen face à l’administration ». On institue une liberté d’accès armée d’un véritable droit à la communication, qui se décline doublement en un droit d’accès, liberté individuelle de tout citoyen d’accéder à l’information qui le concerne, mais aussi en un « droit à l’information, liberté collective, par lequel chacun peut consulter les documents et dossiers présentant un caractère d’intérêt général » (ibid., p. 149). Voilà un indice fort de communalité.

Une deuxième justification gît dans les droits de l’histoire, non pas seulement les droits des historiens – encore que ce soit l’usager qui domine – mais plus généralement dans les droits de la recherche. L’importante loi du 3 janvier 1979, après quasiment deux siècles de pratiques administratives en tous sens, pose le principe d’un droit d’accès aux archives publiques, instituant une série de délais de communication variables en fonction du degré de sensibilité de la donnée – il n’y a pas que du libre accès. Les délais sont imposés par la loi. L’option légistique n’est pas anodine. Le pouvoir de décision n’est plus entre les mains de l’administration. C’est la nécessité de l’écriture de l’histoire à partir de cette mémoire nationale que plaident les artisans de la loi. C’est aussi ce qui motivera les enregistrements des procès historiques.

La troisième motivation, reliée à cette idée de communalité, se rapporte aux droits du public d’accéder à un patrimoine collectif, la rhétorique est fréquente dans les textes. Il ne faut pas oublier que la loi sur les archives a été codifiée dans le Code du patrimoine.

Cette part de communalité des données de la recherche a ainsi une existence dans le droit. Comment la saisir ? On se heurte à plusieurs séries d’écueils. Le premier, qui n’est pas des moindres, tient à la juste compréhension de cette économie juridique des communs. Quelle est en somme l’assiette des droits qui en dérivent ? Ce sont les difficultés pour l’analyste d’en restituer les contours, mais aussi celles pour l’usager de prendre l’exacte mesure des droits dont il dispose. Le second écueil a trait à la préservation de cette part de communalité, plutôt mise à mal ces dernières décennies.

1. La détermination de la part de communalité : incertitudes et opacités

Deux phénomènes rendent peu aisée la compréhension du cadre juridique, en particulier de ce qui ressortit de l’usage commun, d’abord, la construction somme toute chaotique du droit des données, ensuite, l’instabilité de ce droit, qui tient doublement à la plasticité des notions mobilisées et aux déplacements constants, observés dans le dessin des exceptions, mais aussi dans l’assiette même de l’usage commun.

1.1. La construction chaotique du droit des données

À l’étude des différents ressorts de ce droit, on voit paraître sous des habits multiples la figure du sujet, sachant que, quand bien même en serait-on toujours sur cette veine commune du droit à l’information, les droits d’usage vont varier en fonction de la finalité poursuivie, droit de voir, d’obtenir communication d’un document, les deux sont accrochés, droit de le diffuser dans l’espace public, droit de l’exploiter. Tous ces actes ne sont pas saisis juridiquement de la même façon et dans les mêmes termes. Si l’exploitation d’un document postule qu’en amont, son accès a été libéré, le droit de voir et d’accéder au document, d’en exiger une copie n’implique pas en toutes hypothèses le droit de le diffuser ou de l’exploiter. Et, de ce point de vue, les différents segments des usages de la donnée ne sont pas toujours clairement bornés. Le fait est que les dispositifs qui prennent en charge ces différents usages n’ont pas toujours été conçus en bonne articulation, parfois en articulation tout court. Dans le premier moment de naissance d’un droit de l’information, à la fin des années 1970, trois textes importants ont été adoptés : la loi sur l’accès aux documents administratifs en 197813, la loi sur les archives, dont les archives publiques en 197914, et enfin la loi informatique et libertés en 197815. Les deux premières lois, alors même qu’elles prennent toutes deux pour objet les archives publiques, dans des sens plus ou moins larges mais il s’agit bien d’une même famille, alors même que certains des acteurs circulent entre les deux assemblées, que des parlementaires sont présents à la genèse et à l’adoption de ces deux lois, ne sont à aucun moment pensées en bonne intelligence. On y travaillera, mais bien plus tard, dans des termes qui peuvent en l’occurrence être discutés. Ce sont, dans ce temps du droit, deux arborescences du droit des données qui se déploient chacune en propre. Quant à la loi dite informatique et libertés, elle n’est pas non plus reliée à cette réflexion autour de l’accès à l’information, elle n’est pas non plus codifiée. Elle aurait eu sa place dans le Code des relations entre le public et l’administration (CRPA), l’hypothèse avait été un temps envisagée, ce que nous livre Lucie Cluzel-Métayer (2018, p. 181 et suiv.). Sans doute l’enfermement du Code dans ce plan des relations entre le public et l’administration pouvait expliquer cette difficulté d’intégration. Mais il reste que les actes régis par le Code interrogent nécessairement la protection des données personnelles. Dans son analyse qu’elle annonce critique, Lucie Cluzel-Métayer pointe ce phénomène de dispersion, et ce sous un double rapport : dissémination dans le Code – toute une batterie de règles relatives à la publicité des données, des actes, etc., sont présentes dans un certain désordre – et tout en même temps éviction du Code de certains dispositifs. Un grand nombre d’entre eux vont trouver ou ont déjà trouvé abri dans d’autres codes : les données de santé dans le Code de la santé publique, les données de transports dans le Code des transports, les données des collectivités territoriales dans le code éponyme, les données environnementales, etc. On pourrait multiplier les exemples.

La construction chaotique de ce droit des données produit par conséquent un double effet de dispersion et de désarticulation, qui rend tout à fait malaisée et incommode la compréhension de cette part de communalité.

1.2. L’instabilité du droit des données

Une deuxième tendance lourde dans le droit des données, en particulier des données publiques, est son instabilité, celle des notions mobilisées dans la délimitation de cette sphère de communalité, en particulier dans la mise en œuvre des exceptions au libre accès. Un certain nombre de ces notions sont, pour le moins, indéterminées, en particulier celles de vie privée, de service public, d’intérêts fondamentaux de l’État, d’atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. Leur indétermination conceptuelle brouille le sens du droit, mais surtout rend déplaçable le tracé de la frontière entre le privé et le public, entre le secret et la transparence. Les archivistes en font les frais puisque ce sont eux qui font usage de ce droit dans les rapports avec les administrés/citoyens/usagers. Une autre forme d’instabilité, sans doute plus insidieuse, se manifeste aussi. Elle concerne le dessin légal des exceptions, qui bouge à plusieurs reprises et, plus fondamentalement, l’enveloppe des données publiques, sorte de matière molle sur terrain juridique meuble. Ce contour des exceptions est remodelé à chaque intervention législative, après les lois de 1978 et de 1979 avec la loi Valter16, la loi Lemaire sur la République numérique17, la loi de 2008 sur les archives18 et la loi de lutte contre le terrorisme du 30 octobre 2017. On observe là encore des déplacements constants des bornes qui en délimitent le périmètre et qui, en forme d’accordéon, produisent tantôt des effets de fermeture, tantôt des effets d’ouverture.

Si on revient à la genèse de la loi de 1979, on a à ce moment-là une définition des plus extensives des archives publiques. Ce sont à la fois les documents produits et reçus par toutes sortes de personnes publiques, l’État dans toutes ses configurations, mais on y agrège aussi les archives des entreprises publiques ainsi que les archives des personnes privées qui exercent une mission de service public, ensemble très vaste, si vaste que très tôt on se demande – notamment Guy Braibant dans son fameux rapport (1996) –, principe de réalité, si l’administration des archives est en mesure de collecter ce matériau et donc s’il ne faut pas en réduire la voilure. Si bien que les archives des entreprises publiques ont été supprimées de la liste des archives publiques en 2008. Puis, en 2009, par ordonnance, il semble que la suggestion émane du Conseil d’État, on a décidé de resserrer la notion d’archives publiques et de ne considérer comme telles que les archives des personnes publiques produites ou reçues dans le cadre d’une mission de service public. Mais on s’aperçoit peu après que, du coup, sont soustraites au droit d’accès de très nombreuses archives, sans compter que l’adossement au critère du service public est tout sauf clair. On s’est trompé. On revient en arrière en 2016. C’est aussi en 2008 qu’ont été sortis du lot des archives publiques les actes et documents des assemblées parlementaires qui sont régis par l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires19. L’article 7 bis de l’ordonnance prescrit désormais que « chaque assemblée parlementaire est propriétaire de ses archives et responsable de leur conservation et de leur mise en valeur. Elle détermine les conditions dans lesquelles ses archives sont collectées, conservées, classées et communiquées ».

Comment expliquer cette impermanence ? Noé Wagener nous en livre une analyse très éclairante. Constatant le peu de débats autour de la notion d’archives publiques, il formule l’hypothèse selon laquelle l’instabilité de cette notion d’archives publiques vient précisément du fait qu’il n’y a pas spécialement de réflexion sur les contours de cette catégorie, comme du reste il n’y a pas eu de réflexion sur les contours des exceptions. Cet impensé de la loi sur les archives procède selon Noé Wagener « d’une forme d’approche hyper instrumentale du droit des archives, en ce sens que la distinction entre archives privées et archives publiques est d’abord et avant tout conçue comme un problème de droit à appliquer, donc de régime juridique » (2019, p. 361).

Si on se tourne vers la notion de document administratif, autre grande source de ce droit des données publiques, on retrouve cette même approche instrumentale. Dans la version originelle, en 1978 :

« Sont considérés comme documents administratifs au sens du présent titre tous dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, directives, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives, avis, à l’exception des avis du Conseil d’État et des tribunaux administratifs… »

À l’énumération suggérée dans la loi de 1978, on comprend que cette modalité du contrôle citoyen porte sur des sources dans lesquelles on a accès à la façon dont les administrations, les institutions produisent, interprètent, font usage du droit, dont elles mettent en œuvre des procédures, dont elles assurent les missions dont elles sont investies, qui nous parlent de l’action publique. L’enjeu des données sur le droit est là tout à fait fondamental. Mais il n’y a pas non plus de réflexion très aboutie sur ce qui fait la particularité dans le champ des archives publiques de ces documents administratifs. On traite la question à nouveau et pour l’essentiel par l’entrée du régime, ce pour quoi on évacue ici les avis du Conseil d’État et des juridictions administratives. En outre, les avis de la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) ou la jurisprudence ne nous éclairent à aucun moment sur ce qu’est un document administratif. La CADA nous dit ici ou là : ceci est ou n’est pas un document administratif, sans que ne se dégage une notion générique.

Et cette entrée par le régime est aussi très prégnante dans les réformes qui suivront, en particulier lorsqu’on transpose la directive européenne sur la réutilisation des informations publiques, qu’on décide d’accrocher au dispositif d’accès aux documents administratifs, nouveau wagon qui poursuit un objectif tout différent, celui de la création d’un marché sur la donnée publique.

Il s’agit de permettre à des tiers d’utiliser la donnée à d’autres fins que celles pour lesquelles elles sont collectées par la personne publique, avec à nouveau un singulier déficit de réflexion sur l’objet pertinent. Et cette confusion des registres va contaminer la notion même de document administratif. En particulier dans le régime de la réutilisation, on traite de la question des fonds numérisés des institutions patrimoniales et ainsi de l’image des collections publiques. Dans les avis de la CADA, on voit aussi paraître de nouveaux objets relativement au projet initial, tels que des supports d’enseignements. Et le recours opportuniste à ce ressort législatif du droit des documents administratifs, en décalage avec l’objet de la réutilisation, a eu pour effet de diluer considérablement la notion originelle de documents administratifs, de faire oublier l’importance de leur dimension administrative pour la mise en œuvre d’un droit à demander des comptes. La définition du reste a bougé pour s’aligner sur celle des archives publiques, ce qui brouille à nouveau le message d’origine et dilue ainsi la nature particulière de ces archives publiques. Produites par la personne publique, elles donnent prise à ce droit de demander des comptes en ce qu’elles sont l’expression de l’action publique. Mais, avec la nouvelle définition et surtout le régime de réutilisation, on perd de vue cet enjeu.

Le système est ainsi marqué par de l’instabilité, de l’insécurité, de l’incertitude et, à cette difficulté de circonscrire la part malléable de communalité des données, s’ajoute celle, tout aussi préoccupante, de préserver cette part de communalité, sans cesse rognée par toutes sortes de considérations et d’intérêts.

2. Préserver la part de communalité, les fronts de résistance

Depuis les premiers textes instaurant un droit à l’information publique, on peut bien sûr observer des effets d’ouverture. Incontestablement. En l’occurrence, les lois qui ont réformé le droit des archives et le droit des documents administratifs sont proclamées comme lois d’ouverture. C’est ce que l’on entend dans le discours public et qui a, assurément, une part de réalité. C’est aussi la génération des lois sur les données ouvertes, la loi sur la République numérique20, la loi Valter21 qui impose aux collectivités publiques des règles de diffusion et d’accès, en particulier s’agissant des bases de données publiques sur lesquelles elles détiennent des droits.

On pourrait déduire de ces avancées une progression constante de l’accès à cette mémoire collective, donc un accroissement de la part de communalité. Mais il y a aussi et sans aucun doute des courants contraires, des tendances à la relégitimation du secret, qu’on aperçoit du double côté des usages du droit et du droit, sachant que les frontières entre ces deux ressorts normatifs sont fréquemment poreuses.

2.1. Du côté des usages, des inventions contra legem

Les usages, en matière d’accès aux archives ont une singulière tendance à éroder les dispositifs juridiques jusqu’à, parfois, les faire plier. Trois exemples sont emblématiques de ce côté des usages récalcitrants. Le premier concerne les protocoles de remise d’archives d’hommes politiques. L’histoire est assez déroutante puisque cette invention contra legem de la pratique est venue précisément au moment où a été adoptée la loi sur les archives en 1979 et, à aucun moment, le législateur ne s’est saisi de cette question alors même que ces archives sont des archives publiques et que le sujet est venu à la même période dans l’espace public. Giscard d’Estaing, premier à remettre ses propres archives sous cette forme contractuelle en 1981, en reconnaît le statut public tout en créant cette forme semi-privative de gestion de documents publics qui vient dans tous les sens du terme doubler le dispositif légal, la plaçant entre les mains de personnes privées extérieures à l’administration mandatées par les producteurs publics. Le contrat fait fi de la loi. Certes, on comprend la logique. C’est un stratagème des archivistes pour faire entrer ces archives publiques, éviter leur destruction ou leur privatisation totale22. Mais on est loin ici de la figure des biens publics ou même semi-publics.

Le deuxième exemple, plus récent, est celui des archives « secret-défense ». Les usages, ici, viennent de l’administration, qui affirme au moyen d’instructions, en particulier l’Instruction générale interministérielle (IGI) 1300, adoptée en 201123, une doctrine du secret-défense en contradiction avec les textes. En vertu d’une interprétation contra legem, à l’instigation du Secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale (SGDSN), les services producteurs du ministère de l’Intérieur ont considéré qu'un document devait être formellement déclassifié pour être communiqué. À défaut de cette « procédure tampon », le document classifié pouvait ainsi ne jamais être communiqué. Cette invention juridique était parfaitement contraire au principe de communication de plein droit – c’est la formule qui figure dans le Code – à l’expiration des délais légaux. Lors de l’adoption de la loi du 3 janvier 1979, l’importance d’inscrire la chose dans la loi et non de la laisser au domaine du règlement a été discutée, précisément pour éviter l’arbitraire des administrations. Un collectif d’historiens, d’archivistes et de juristes a saisi le Conseil d’État pour que ces instructions soient déclarées contraires au Code du patrimoine. Le Conseil d’État leur a donné raison. Le fait que ces usagers se soient unis pour attaquer une pratique de secret abusive est une première. D’une façon générale, il y a très peu de contentieux. Sans doute les historiens craignent-ils des effets de rétorsion et une plus grande difficulté à accéder aux archives publiques non encore accessibles par dérogation, et les archivistes, des pratiques de rétention et ainsi de non-versement d’archives aux services dédiés. Ici, ils ont plaidé avec succès la cause du droit d’accès24. On peut lire sur le site officiel des juges du Palais royal :

« Le Conseil d’État rappelle que les archives classifiées sont communicables de plein droit, conformément à la loi actuelle, à l’expiration de ces délais. En conséquence, le Premier ministre ne peut conditionner l’accès à ces archives à une procédure de déclassification préalable. Pour cette raison, le Conseil d’État annule cette procédure. »

Les juges sont on ne peut plus clairs :

« Il résulte de la lettre même de l’article L. 213-2 du Code du patrimoine, qu’à l’exception des documents comportant des informations relatives aux armes de destruction massive, qui, en application du II de cet article, ne peuvent jamais être communiqués, les archives ayant fait l’objet d’une classification au titre de l’article 413-9 du Code pénal sont communicables de plein droit à l’expiration des délais de 50 ou 100 ans prévus respectivement par le 3° et le 5° du même article L. 213-2, alors même qu’elles n’auraient pas été déclassifiées. Les requérants sont fondés à soutenir qu’en subordonnant la communication des archives classifiées à leur déclassification préalable, après l’expiration de ces délais, l’article 7.6.1 de l’instruction générale interministérielle n° 1300 est contraire aux dispositions de l’article L. 213-2 du Code du patrimoine. »

Le troisième exemple est celui des conclusions des rapporteurs publics du Conseil d’État, qui sont pourtant lues publiquement et que l’on a le plus grand mal à obtenir lorsqu’elles ne sont pas communiquées par leurs auteurs alors même que ce sont des archives publiques.

2.2. Du côté du droit, lorsque l’usage a raison du droit

Le phénomène de recul de la part de communalité est aussi tangible dans la jurisprudence et dans les trajectoires des textes depuis 1970. En ce qui concerne la jurisprudence, on peut évoquer deux affaires qui ont conforté des refus de communication. Dans la première, la fondation Vuitton fonde ce refus de donner accès aux comptes annuels de l’institution sur le respect de la vie privée des personnes morales de droit privé, ce que le juge entend, tout en admettant que :

« Les comptes annuels d’une fondation d’entreprise, reçus par l’administration dans le cadre de la mission de service public de contrôle administratif des fondations d’entreprise qui lui est dévolue par l’article 19-10 de la loi du 23 juillet 1987 relative au développement du mécénat, constituent des documents administratifs au sens de l’article L. 300-2 du Code des relations du public et de l'administration25. »

La deuxième affaire concerne des supports d’enseignement délivrés lors d’une formation de l’École nationale de la magistrature dont on exige communication sur le fondement de leur qualification de documents administratifs. Le juge rappelant la règle inscrite à l’article L. 311-4 du CRPA selon laquelle « les documents administratifs sont communiqués sous réserve des droits de propriété littéraire et artistique » considère que « les dispositions impliquent, avant de procéder à la communication de supports d’enseignement n’ayant pas déjà fait l’objet d’une divulgation, au sens de l’article L. 121-2 du Code de la propriété intellectuelle, de recueillir l’accord de leur auteur »26. Les documents en question ont été délivrés lors de formations sur les dérives sectaires organisées par l’École nationale de la magistrature. La requête émanait de l’association spirituelle de l’Église de scientologie Celebrity Centre (ASES-CC) et l’on sent bien que les juges, embarrassés, ont trouvé cette parade. Mais, en décidant cela, finalement, ils ont vidé de son sens le droit à l’information publique qu’avait institué le législateur en 1978. Quel est l’intérêt de ce droit, si ce n’est de pouvoir accéder à des documents qui ne sont pas pour une grande part dans l’espace public ? Où on voit bien qu’on a perdu de vue cette notion de document administratif. Où on voit bien où est l’erreur d’avoir accroché le droit de réutilisation au droit de communication, ce qui a produit ce phénomène de dilution et d’extension de la notion dans des limites qui appellent de nouvelles bornes. Celle de la propriété intellectuelle n’est certainement pas bienvenue. Cette manne de documents administratifs, d’archives publiques est évidemment fondamentale pour les recherches menées sur l’action publique et plus spécialement sur la recherche sur le droit.

Du côté des lois, les signes de résurgence ou de retour au secret sont aussi multiples, côté privé comme côté public, et certaines de ces évolutions législatives nous viennent de la force de ces usages. La loi du 15 juillet 2008 a en effet légalisé la pratique des protocoles de remise d’archives d’hommes politiques anciennement conclus et leur validation pour l’avenir de façon plus encadrée. Lors d’une Question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le Conseil constitutionnel a validé le montage législatif. Dans le commentaire de la décision, il est remarqué, sans doute à juste titre, que cette pratique a favorisé une plus grande effectivité des versements :

« Pour la première fois en 1981, un président de la République, Valéry Giscard d’Estaing, remettait la quasi-totalité de ses dossiers aux Archives nationales et le président Mitterrand, suivi par son Premier ministre Pierre Mauroy, prenait la même décision en 1984 pour ses archives et celles de ses collaborateurs. Tous trois rompaient ainsi avec un usage séculaire27. »

Et le fait est que le système avait aussi pour effet d’éviter des exploitations abusives de ces documents à des fins politiques, ce qu’avait souligné Guy Braibant (1996, p. 16). Mais il n’en reste pas moins que ce système est discutable en ce qu’il met entre les mains de personnes privées la décision de communiquer des documents pourtant publics. En l’espèce, le requérant contestait

« ces dispositions, relatives aux archives publiques émanant du président de la République, du Premier ministre et des autres membres du Gouvernement, au motif qu’elles conféreraient aux responsables politiques ou à leur mandataire un droit exclusif d’autoriser, de façon discrétionnaire, la divulgation anticipée des documents qu’ils ont versés aux archives. Il en résulterait une méconnaissance du droit de demander compte à un agent public de son administration, prévu à l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) de 1789, dont le droit d’accès aux archives publiques serait un “corollaire nécessaire”. Il en résulterait également une méconnaissance du droit du public à recevoir des informations, qui découlerait du droit à la libre communication des pensées et des opinions garanti par l’article 11 de la Déclaration de 1789 ».

Tout en admettant que le droit d’accès aux archives publiques est garanti par l’article 15 de la DDHC, le juge constitutionnel indique que le législateur peut « apporter à ce droit des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi ». Il considère alors que « le législateur a entendu, en les plaçant sous le contrôle des intéressés, accorder une protection particulière à ces archives, qui peuvent comporter des informations susceptibles de relever du secret des délibérations du pouvoir exécutif et, ainsi, favoriser la conservation et le versement de ces documents. Ce faisant, il a poursuivi un objectif d’intérêt général28 ». Où on mesure à quel point ces usages dans le domaine des archives, en particulier les usages des producteurs, ont une faculté d’érosion assez considérable. À plusieurs reprises, la pratique a eu le droit à l’usure et le cas des protocoles est particulièrement édifiant. Les pratiques du secret-défense en sont un autre exemple emblématique. Elles n’ont pas eu gain de cause devant le juge qui très clairement en a appelé purement et simplement au respect du droit, mais elles ont fait bouger le droit des archives avec l’artillerie lourde de la loi n° 2021-998 du 30 juillet 2021 relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement. Le texte a fait monter en puissance le régime juridique du secret-défense dans le droit des archives publiques en créant des catégories de documents incommunicables dans des conditions peu claires. D’autres manifestations de cette tendance à la relégitimation du secret se sont manifestées aussi sur le terrain du droit privé, en particulier la protection des données personnelles avec le Règlement général de l’Union européenne sur la protection des données (RGPD), ainsi que la loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires.

Et ces poches de résistances trouvent un sérieux point d’appui du côté de la figure de la propriété. On sait sa propension à saisir tout objet, à expliquer naturellement presque mécaniquement tout pouvoir qu’exercent les personnes sur les choses, y compris lorsque les choses devraient en tout ou partie échapper à la propriété, comme c’est le cas des données de la recherche. Cette figure privative de la propriété diffuse puissamment dans les ressorts de la propriété privée comme publique29. Il y a une forme d’enfermement du régime de la donnée dans une pensée en termes de propriété. On le voit, les données sont un territoire d’appropriations multiples.

De cette très rapide exploration de ce cadre juridique, on observe que l’instabilité du droit se fait au détriment du statut commun des biens, tendance assez marquée cette dernière décennie. Sans doute, dans cette matière complexe, brouillonne, confuse, illisible pour l’analyste comme pour l’usager, la première étape indispensable serait une mise en ordre de la matière qui imposerait de revenir aux fondements des différents dispositifs, à leur rationalité. Faudrait-il un Code des données ? Certains l’ont plaidé. Mieux saisir les singularités, mieux comprendre l’écosystème juridique de chacun de ces registres qui mobilisent dans des termes variables les droits des personnes publiques et privées, mieux comprendre l’ordre de relation qui les unissent, cette entreprise pourrait être engagée par cette entrée des impératifs de communalité. C’était somme toute le projet d’un droit à l’information publique.

Bibliographie

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Notes

1 Directive (UE) 2019/1024 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 concernant les données ouvertes et la réutilisation des informations du secteur public. Retour au texte

2 Art. L. 111-1 du Code de la recherche. Retour au texte

3 « Aux termes de l’article 15 de la Déclaration de 1789 : “La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration.” Est garanti par cette disposition le droit d’accès aux documents d’archives publiques. Il est loisible au législateur d’apporter à ce droit des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n'en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi », Cons. constit., 15 septembre 2017, n° 2017-655 QPC. Retour au texte

4 Art. L. 213-4 du Code du patrimoine. Retour au texte

5 Ibid. Retour au texte

6 Il faut cependant saluer l’ouverture des sites de consultation des décisions des juridictions du fond, Open data/Justice administrative et Judilibre, gisements de grande richesse jusque-là très difficilement accessibles. Retour au texte

7 Sur ce matériau normatif, sur cette notion, voir Gerry-Vernières (2012). Retour au texte

8 Sur cette notion, voir l’introduction du rapport L’échelle de communalité (Rochfeld, Cornu, Martin, 2021). Retour au texte

9 En réalité, l’opinion est loin de faire consensus. Retour au texte

10 Sur cette discussion autour de la dispersion des catégories et l’idée que les modes de nomination ne sont pas indifférents et disent des choses de la « conception de la relation administrative, et par-là même de l’institution administrative », voir Chevallier (2018, p. 128). Retour au texte

11 L’accès est le thème proposé lors du colloque L’accès aux sources et aux résultats de la recherche sur le droit, organisé à l’Université Paris Nanterre en juin 2023 et dont ce texte est tiré. Retour au texte

12 Art. 533-4-1 du Code de la recherche. Retour au texte

13 Loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal. Retour au texte

14 Loi n° 79-18 du 3 janvier 1979 sur les archives. Retour au texte

15 Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Retour au texte

16 Loi n° 2015-1779 du 28 décembre 2015 relative à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public. Retour au texte

17 Loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique. Retour au texte

18 Loi n° 2008-696 du 15 juillet 2008. Retour au texte

19 Art. 28 de la loi n° 2008-696 du 15 juillet 2008. Retour au texte

20 Loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique. Retour au texte

21 Loi n° 2015-1779 du 28 décembre 2015 relative à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public. Retour au texte

22 En ce sens, voir Canavaggio, qui montrait l’extrême difficulté de la collecte de ces archives (1991, p. 169 ; 2019, p. 457) et Cornu (2007). Retour au texte

23 Arrêté du 30 novembre 2011 portant approbation de l’instruction générale interministérielle n° 1300 sur la protection du secret de la défense nationale. Retour au texte

24 Cons. État, n° 444865, n° 448763, 2 juillet 2021. Retour au texte

25 Cons. État, n° 443826, 7 octobre 2022, Recueil Lebon. Retour au texte

26 Cons. État, n° 375704, 8 novembre 2017, Recueil Lebon. Retour au texte

27 Commentaire de la décision n° 2017-655 QPC. Retour au texte

28 Décision n° 2017-655 QPC, 15 septembre 2017. Retour au texte

29 Sur cette tendance lourde, voir Wagener (2019, p. 359). Retour au texte

Citer cet article

Référence électronique

Marie Cornu, « Les données de la recherche comme biens communs. La pluralité des régimes de communalité », Amplitude du droit [En ligne], 4 | 2025, mis en ligne le 17 janvier 2025, consulté le 22 janvier 2025. URL : https://amplitude-droit.pergola-publications.fr/index.php?id=731

Auteur

Marie Cornu

Directrice de recherche CNRS, Institut des sciences sociales du politique (UMR 7220 – Université Paris Nanterre, CNRS, ENS Paris Saclay) ; marie.cornu@cnrs.fr

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