Obsolescence logicielle et environnement : une inefficacité juridique assumée ? Étude des législations françaises et européennes

Résumé

L’obsolescence logicielle est aujourd’hui un véritable objet de débat public : autant pour les fabricants qui la pratiquent, que pour les consommateurs qui la subissent, ou pour les environnementalistes qui la dénoncent. Alors que la recherche d’une sobriété numérique est devenue ces dernières années un véritable objectif des politiques publiques modernes, le cadre juridique de cette pratique, aux forts enjeux car responsable de multiples atteintes environnementales, peine à se dégager. Les conséquences environnementales de la pratique d’obsolescence sont nombreuses : consommation énergétique, émission de déchets et toute autre forme de pollution. Si la France, avec quatre lois touchant de près ou de loin au sujet, semble déjà bien outillée en la matière, l’efficacité et l’effectivité de ce cadre interrogent. Pour pallier ces insuffisances, diverses solutions semblent offertes par plusieurs initiatives de politique environnementale européenne. La Commission européenne, notamment, privilégie deux angles de lutte contre l’obsolescence logicielle : l’économie circulaire et l’éco-conception. Par ailleurs, une troisième réflexion doit être considérée, celle de l’ecology by design qui, en imposant des conditions environnementales dès la conception des produits, apparaît indispensable à la régulation de la pratique de l’obsolescence logicielle.

Index

Mots-clés

droit du numérique, droit de l’environnement, obsolescence logicielle, sobriété numérique, économie circulaire, éco-conception, ecology by design

Plan

Texte

Le développement du consumérisme, en tant qu’attitude sociologique, s’inscrit dans un mouvement plus large de la société de consommation telle que caractérisée depuis le milieu du xxe siècle et aboutit aujourd’hui au constat indéniable d’une surproduction et d’une surconsommation. Le caractère érosif du numérique et de ses produits ne fait qu’accentuer ces mouvances, la recherche de perfectionnement technologique incessante poussant certains fabricants à provoquer la fin de leurs produits pour en créer de nouveaux. Cette pratique de l’obsolescence, relativement ancienne – le président du géant américain General Motors déclarait en 1934 à l’égard des voitures : « [N]otre grand travail est d’accélérer l’obsolescence » – devient progressivement un modèle de consommation, ancré dans les habitudes des fabricants, qui ne cesse de se renouveler et se détache désormais sous une forme logicielle. À la suite des dérives économiques et sociologiques de ces pratiques, l’heure est au constat de leurs conséquences sur l’environnement.

Pris dans une spirale infernale de consommation de produits électroniques répondant à des besoins ponctuels ou durables, les consommateurs sont aujourd’hui tous confrontés à la fin, prématurée ou non, de leurs produits. La plus récente étude Eurobaromètre 503, publiée en 2020 par la Commission européenne et portant sur les « Attitudes à l’égard de l’impact de la numérisation sur la vie quotidienne », atteste que 30 % des consommateurs européens achètent un nouveau produit en raison d’une détérioration des performances de l’ancien. Pour 19 % d’entre eux, ce rachat fait suite à l’arrêt du fonctionnement des applications ou des logiciels, soit à l’obsolescence logicielle de leurs appareils.

Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer compte tenu de l’envolée de la consommation dans nos sociétés actuelles, le concept d’obsolescence ne connaît aucune traduction terminologique claire. Au contraire, « la notion d’obsolescence n’en est pas moins restée un concept théorique et pratique n’ayant jamais été clairement et profondément développé, illustré et stabilisé, à savoir fondé » (Rollot, 2016, p. 16). En effet, les penseurs et les législateurs « restent plus préoccupés par la dénonciation que par l’approfondissement de l’idée elle-même, et ne questionnent guère son sens » (ibid.). Pour autant, ce défaut terminologique n’a freiné ni le développement des pratiques ni leur dénonciation, poussant d’ailleurs les législateurs à réagir sur la question.

C’est par la prise en compte juridique du concept qu’une première forme d’éclaircissement de ses contours est apparue. L’avancée juridique s’est produite en deux temps. Dans un premier temps, l’obsolescence logicielle n’est considérée que comme un aspect, une composante de l’obsolescence programmée ; définir cette dernière apparaît dès lors comme une étape indispensable à la compréhension de son pendant logiciel. Elle est entendue comme la « somme de techniques industrielles et commerciales visant à un seul but : entretenir le cycle de consommation afin de faire tourner les usines et les flux de marchandises. Pour ce faire, le plus simple reste encore de réduire le cycle de vie » (Lapoix, 2011). À partir de cette définition, différentes catégories d’obsolescence peuvent être énumérées : une obsolescence directe (fonctionnelle ou technique), majoritairement liée à des défauts fonctionnels du produit, incluant les transformations logicielles capables de rendre les produits indisponibles ; une obsolescence indirecte par laquelle des produits en état de marche deviennent obsolètes et renvoyant aux techniques ayant pour finalité d’empêcher la réparabilité du produit ; une obsolescence esthétique, orientée sur la psychologie des consommateurs, lorsqu’un fabricant commercialise à un rythme effréné de nouveaux produits ; et même, plus récemment, face à des produits qui polluent et consomment de l’électricité ainsi qu’à la tendance des consommateurs à se tourner vers des modes de consommation « éthiques », une obsolescence écologique. Dans un second temps, l’obsolescence logicielle bénéficie d’une définition propre. En effet, le développement des techniques et services numériques, ainsi que des logiciels a progressivement mené à la prise en compte d’une forme isolée d’obsolescence qui leur serait dédiée. Ce type d’obsolescence peut être défini comme une technique numérique cyclique à l’origine d’un renouvellement, presque automatisé, des logiciels et des systèmes d’exploitation, réduisant leur durée de vie, et qui se caractérise principalement par des mises à jour. À défaut et en raison de l’indisponibilité ou du dysfonctionnement du logiciel ou du système d’exploitation, l’usage de l’appareil est réduit.

Le caractère atypique de cette nouvelle perspective logicielle de l’obsolescence mérite aujourd’hui un approfondissement en droit pour deux raisons. L’une est juridique : les fabricants tentent, par cette technique logicielle, de se délier des obligations en matière d’obsolescence programmée matérielle. L’autre est environnementale : l’impact de cette technique logicielle, rapide et de faible coût, sur la planète est colossal, en raison notamment de ses besoins en énergie, de sa production de déchets et de différentes formes de pollution. De ce fait, une analyse de ce mécanisme et de ses pratiques, réalisée dans une perspective juridique environnementale apparaît indispensable, et est d’ailleurs inédite. Le risque environnemental que représente l’obsolescence logicielle n’est plus à prouver : la fabrication d’appareils numériques, à la suite de leur renouvellement, représentait, en 2021, 75 % des impacts environnementaux du secteur numérique1 (d’après le ministère de l’Économie français). Néanmoins, l’interdiction – ou du moins le strict encadrement – qui devrait logiquement en découler, est longtemps restée utopiste en droit, et l’est toujours en pratique. Aujourd’hui considérée en droit de la consommation, il semble nécessaire que la pratique d’obsolescence soit désormais saisie par le droit de l’environnement. En ce sens, la perspective environnementale donnée au droit français et au droit européen depuis quelques années conforte les éventualités d’une solution d’« encadrement juridique vert » de l’obsolescence logicielle.

Encore faut-il que les normes environnementales dégagées soient efficaces et effectives. Juridiquement définie, l’efficacité « mesure un résultat en fonction d’un objectif et dans des conditions données » (Rangeon, 1989), là où l’effectivité renvoie au « degré de réalisation dans les pratiques sociales des règles énoncées par le droit » (André-Jean, 1993, p. 217). Les termes étant très souvent entremêlés (Mincke, 1998), la seule efficacité de la norme sera préférée pour le cadre environnemental. À cet égard, « pour rendre une norme environnementale efficace, il faut intervenir à deux moments : en amont, lors de l’élaboration de la règle, et en aval, à l’occasion de son application » (Boskovic, 2010, p. 128). Souvent accusé d’inefficacité – notamment dans son pendant international (Maljean-Dubois, 2003) – le droit de l’environnement semble progresser vers des voies positives d’efficience du droit (Pâques, Faure, 2003 ; Boskovic, 2010) dans lesquelles pourrait s’inscrire l’encadrement de l’obsolescence logicielle. Et, si l’inefficacité continuait de primer, ne faudrait-il pas mieux un cadre juridique, même inefficace, plutôt qu’un vide juridique sur la pratique ? La présente communication entend se saisir de cette question et y répondre. Le premier constat est assez préoccupant : les textes, français et européens, témoignent d’une défaillance dans la qualification juridique de l’objet, l’obsolescence logicielle (1). À cette insuffisance s’ajoutent les doutes sur l’efficacité environnementale de ces textes. Leur analyse approfondie démontre une certaine progression : alors que les premiers efforts, infructueux, visaient à interdire la pratique de l’obsolescence logicielle (2), un mouvement renouvelé d’encadrement semble apparaître et laisser place à une efficacité partielle, dont il conviendrait sans doute de se contenter (3).

1. Le constat préliminaire d’une insuffisance législative : la difficile qualification juridique du concept d’obsolescence logicielle

L’imprécision terminologique du concept d’obsolescence logicielle, tel qu’entendu dans sa forme numérique, s’est répercutée dans le cadre juridique. Prudents ou trop peu expérimentés, les législateurs ont d’abord largement entrepris de qualifier2 le concept sous son seul pendant matériel. Néanmoins, l’accroissement des phénomènes logiciels pratiqués par les fabricants a accentué la nécessité d’isoler l’obsolescence logicielle dans la loi. À défaut, le législateur s’éloignerait des réalités. En effet, l’obsolescence logicielle est au centre de nombreuses polémiques environnementales autour des pratiques de géants du numérique. En 2021, par exemple, le Cigref et trois autres associations, allemande, belge et néerlandaise, ont interpellé l’entreprise américaine Microsoft sur sa pratique d’obsolescence logicielle et sur ses conséquences environnementales et sécuritaires. Selon eux, Windows 10 se distinguerait comme l’un des exemples les plus probants d’obsolescence logicielle. De telles dénonciations poussent, en outre, les législateurs à réagir. Ambitieux, le législateur français a recherché à isoler le concept d’obsolescence logicielle pour tenter de lui attribuer, progressivement, une qualification propre (1.1). Le législateur européen, en revanche, ne s’est jamais réellement intéressé à la question et conserve une qualification large et une interchangeabilité des termes (1.2).

1.1. Les essais du droit français à l’isolation du concept

La prise en compte de l’obsolescence logicielle dans l’ordre juridique français a été relativement tardive face au développement des pratiques, illustrant la classique distorsion entre l’évolution du droit et l’évolution des activités numériques. Son appréhension sous l’angle environnemental l’est d’autant plus que numérique et environnement n’ont été que très récemment associés dans les politiques publiques françaises. Bien que plusieurs engagements récents, tels que l’Accord de Paris de 2016 ou la Convention citoyenne pour le climat de 2019 – à laquelle répond la feuille de route « Numérique et environnement » de 20203 – s’intéressent à l’obsolescence et prévoient des mesures visant à la durabilité des produits, son inscription dans la loi a témoigné de plus grandes difficultés. Jusqu’en 2021, l’obsolescence logicielle n’était pas appréhendée de façon isolée par le droit français : elle était assimilée et réprimée par une loi de 20154 sous la forme d’une obsolescence programmée.

En 2015, l’initiative d’une loi sur la transition énergétique apparaît comme une véritable révolution quant à sa forme, mais aussi et surtout quant à son contenu. Tout d’abord, elle se distingue comme l’une des premières lois à vocation environnementale qui se saisit de la question de l’obsolescence. Toutefois, la réelle avancée se situe dans l’intégration, par cette loi, de l’obsolescence comme un délit dans le Code de la consommation (C. consom). L’article L. 213-4-1 de ce code est pionnier en ce sens : il définit la pratique d’obsolescence programmée et la sanctionne. Sera désormais condamné « le recours à des techniques par lesquelles le responsable de la mise sur le marché d’un produit vise à réduire délibérément la durée de vie pour en augmenter le taux de remplacement ». Pour cette première définition juridique de la notion d’obsolescence, le législateur a opté pour une définition large répondant de son caractère éclectique. Perçue dans sa conception technique, l’obsolescence revêt en effet plusieurs formes dont il convient de se saisir (obsolescence de fonctionnement, esthétique, d’incompatibilité ou encore écologique). Bien que certaines de ces formes soient déjà encadrées par le droit (l’obsolescence indirecte étant prévue à l’article R. 113-4 du C. consom.), il apparaît nécessaire pour le législateur d’envisager une régulation homogène exigeante, notamment une conception large de la technique. Encore trop éloigné des déclinaisons du concept, le législateur ne cible néanmoins pas l’obsolescence logicielle, laissant cette imprécision profiter aux fabricants. S’il ne l’isole pas, le législateur ne l’exclut pas pour autant : la loi considère l’ensemble de ses formes, y compris les éventuelles évolutions à venir5.

Ce n’est que quelques années plus tard, et pour répondre aux obligations de transposition des lois européennes sur les mises à jour logicielles6, que le législateur français a envisagé une prise en compte de l’obsolescence logicielle en tant que problématique à part entière. Début 2021, le gouvernement a remis au Parlement un rapport sur l’obsolescence logicielle, l’incitant à se pencher sur son encadrement juridique (Castellazzi, Moatti, Flury-Harard, Schwob, 2021). Puis la loi du 15 novembre 2021 visant à réduire l’emprunte environnementale du numérique en France (n° 2021-1485) – à laquelle est associée la loi du 23 décembre de la même année, visant à renforcer la régulation environnementale du numérique par l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) [n° 2021-1755] – a marqué un véritable pas en avant. Elle remplace l’article L. 213-1 du C. consom. (abrogé en 2016) et consacre une extension de la définition du délit d’obsolescence programmée pour intégrer et préciser le caractère « logiciel » de la technique employée par le fabricant, à l’article L. 441-2 du C. consom. (dans sa version en vigueur)7. En d’autres termes, le texte maintient un délit d’obsolescence programmée qui s’appliquera désormais au « recours à des techniques, y compris logicielles ». Une qualification juridique propre au concept apparaît en demi-teinte : il est désormais possible de pénaliser la technique logicielle, au même titre que la technique matérielle. De son côté, et malgré sa connaissance des dérives logicielles de l’obsolescence, le droit européen ne s’est jamais réellement prononcé sur une distinction claire entre les pratiques.

1.2. L’ambiguïté terminologique latente du droit européen

La politique environnementale européenne sur l’obsolescence logicielle s’est également mise en place progressivement. Si sa concrétisation remonte à l’intégration de ces questions dans l’Acte unique européen de 1987, la perspective numérique de l’environnement est quant à elle beaucoup plus récente. Dès la fin des années 2010, les institutions européennes commencent à prendre conscience d’une attitude contestable des fabricants au détriment des consommateurs. Les réflexions autour de la reconnaissance d’une définition commune de l’obsolescence émergent progressivement, en deux temps.

Dans un premier temps, les premières réflexions juridiques qui apparaissent se tournent vers la durée de vie des produits. Sous cette perspective, les termes employés sont volontairement abstraits, associés au besoin de régulation sur des problématiques techniques encore peu connues. En 2013, l’avis d’initiative adopté par le Comité économique et social européen (CESE), dénommé « Pour une consommation plus durable : la durée de vie des produits de l’industrie et l’information du consommateur au service d’une confiance retrouvée »8, réalise une simple mention de l’obsolescence d’incompatibilité engendrée du fait d’un logiciel. La pratique n’en est pour autant pas qualifiée juridiquement. En 2017, cet avis sert au Parlement européen pour proposer une résolution sur la durée des vies des produits et apporte une précision sur les termes. Par ce projet, le Parlement souhaite reconnaître une « définition au niveau européen de l’obsolescence programmée pour les biens physiques et logiciels »9. En outre, la dernière disposition du texte vise à « prémunir les rapports contre l’obsolescence des logiciels », traduisant une prise en compte concrète de ces problématiques dans le cadre européen. Par cette résolution de 2017, le Parlement demande également à la Commission européenne de légiférer sur le sujet, ce qui laisse entrevoir une piste pour la qualification juridique du concept. Cette dernière n’a néanmoins toujours pas eu lieu.

Dans un second temps, une lutte contre l’obsolescence est engagée par l’intermédiaire de l’économie circulaire mais ne permet pas d’éclaircir les termes. L’ensemble des textes adoptés mentionnent principalement l’obsolescence programmée, laissant à l’interprétation du lecteur l’assimilation de son pendant logiciel. En 2019, la Commission intègre les questions logicielles dans deux directives : la directive européenne « vente de biens »10 et la directive européenne « sur les contenus numériques »11, mais n’identifie ni ne définit la pratique d’obsolescence logicielle en elle-même. L’initiative du Pacte vert fin 201912 avance assez vaguement qu’il « luttera contre l’obsolescence programmée des appareils, en particulier dans le domaine de l’électronique ». En 2020, dans son rapport Façonner l’avenir du numérique13, la Commission expose la nécessité « d’éviter l’obsolescence programmée », bien que sans référence au pendant logiciel. La largesse des termes employés et l’absence de qualification concrète dans les directives et rapports laissent en suspens l’intérêt du cadre européen pour qualifier juridiquement les concepts.

Si le risque environnemental actuel de la pratique logicielle de l’obsolescence requiert qu’elle soit envisagée par le législateur de façon isolée, ces premières insuffisances n’en ont pas moins empêché l’apparition de cadres juridiques réprimant la pratique, sous la qualification d’obsolescence programmée. Toute la question reste de déterminer si de tels instruments, français et européens, permettent de répondre aux ambitions environnementales posées par les politiques publiques. Une évolution se profile à ce sujet.

2. L’inefficacité d’une interdiction de l’obsolescence logicielle

Bien que les lois existent, leur appréciation juridique approfondie permet de relativiser leur réelle utilité au regard de l’objectif environnemental fixé : interdire la pratique de l’obsolescence pour en réduire ses risques. En effet, « il est permis de douter de la capacité du dispositif à atteindre les objectifs annoncés » (Martin, 2015), et ce pour deux raisons, que le droit français, relativement représentatif, illustrera pour notre démonstration. D’une part, si les lois prévoient une interdiction de la pratique de l’obsolescence, leur exécution s’avère beaucoup plus compliquée, ce qui laisse au fabricant une confortable marge de manœuvre (2.1). D’autre part, si ces lois sont présentées par les autorités publiques comme de véritables « lois environnementales », elles visent principalement à modifier le Code de la consommation et l’attitude des consommateurs. Autrement dit, elles n’aboutissent ni à des changements significatifs du Code de l’environnement ni à la mise en place de mécanismes de protection de l’environnement. L’intervention du législateur français ne semble donner à ces lois qu’une simple « coloration environnementale ». Le Code de l’environnement, lui, n’est affecté que par l’insertion d’obligations d’information du consommateur, amplement assouplies (2.2).

2.1. Des essais législatifs d’interdiction annihilés : les lois françaises de 2015 et de 2021

Si le droit européen ne l’a, pour le moment, jamais distinctement envisagé, le droit français s’est penché à deux reprises, en 201514 et en 202115, sur l’interdiction de l’obsolescence programmée – puis logicielle – par la pénalisation de cette dernière. Bien que ses ambitions soient fortes, l’imprécision rédactionnelle dont a fait preuve le législateur dans ces deux lois (2.1.1) n’aura jamais permis aux consommateurs français de pénaliser un fabricant pour la pratique d’une obsolescence programmée – ni logicielle – pourtant interdite (2.1.2).

2.1.1. L’imprécision rédactionnelle du législateur français

La loi de 2015 est sans doute la plus représentative des imprécisions rédactionnelles qui entraînent l’inefficacité de la loi au regard de l’objectif environnemental. S’il n’est pas à regretter qu’une définition ait été pensée et retranscrite à l’article L. 213-4-1 C. consom.16, plusieurs de ses éléments demeurent ambigus. Premièrement, l’expression « durée de vie du produit » apparaît extrêmement floue. Certaines questions restent en suspens : s’agit-il du moment où le produit ne peut plus fonctionner ou doit-on y inclure la dégradation des performances du produit ? En pratique, l’appréciation de la durée de vie d’un produit dépend de considérations techniques (renvoyant aux capacités matérielles du produit) et économiques (faisant référence à la stratégie du fabricant – certains admettent librement, dans leurs politiques, dégrader les performances de leurs produits) ; ce qui justifie probablement que le législateur ait préféré ne pas intervenir pour préciser cet élément. Ne serait-il pas possible, dès lors, d’apprécier le caractère raisonnable de la durée de vie du produit ? Or, un nouveau problème se présente : la raisonnabilité dépend d’une série importante de facteurs liés au produit ou au producteur, et peut différer selon le point de vue du producteur ou du législateur. Par conséquent, au vu de ces imprécisions, la question se pose de savoir quel est l’intérêt de conditionnaliser la durée de vie du produit comme l’a fait la loi ? Deuxièmement, une crainte similaire émerge vis-à-vis de l’expression « taux de remplacement du produit ». L’indétermination de son contenu et la subjectivité de son appréciation (selon la stratégie économique et commerciale du fabricant) complexifient les actions fondées sur l’obsolescence. Par exemple, ce taux de remplacement pourrait inclure ou non les justifications financières apportées par le fabricant à l’égard de sa pratique, selon l’objectif qu’il présente.

Dès lors, les consommateurs sont confrontés à des difficultés probatoires du délit au regard, notamment, de deux éléments. D’une part, du fait de la largesse et de l’absence de définition des termes proposés et, d’autre part, du fait de la position dans laquelle la formulation de la loi laisse le consommateur : il a l’obligation de prouver l’ensemble du comportement du fabricant pour obtenir sa condamnation pénale. En effet, c’est à lui de prouver le recours à la technique de l’obsolescence par le fabricant, sa volonté de réduire délibérément la durée de vie du produit, mais aussi l’objectif du fabricant d’augmenter le taux de remplacement du produit. Or, la recherche de toutes ces preuves est, incontestablement, longue et coûteuse pour le consommateur. Déterminer la durée de vie d’un produit nécessiterait aussi bien de demander l’intervention d’experts pour l’analyser, que d’apprécier l’attitude initiale du producteur dans la conceptualisation de ce dernier. Cette situation préoccupe d’autant plus que les fabricants ayant recours à l’obsolescence programmée et/ou logicielle sont des géants du numérique, extrêmement puissants face à des consommateurs qui ne sont pas toujours rassemblés dans des associations. Or, quel est le poids d’un consommateur face à un fabricant qui avance de nombreux avantages, économiques, techniques voire de prévention des risques ? De ce fait, le fabricant sera très souvent à même d’avancer une position crédible capable d’anéantir les arguments des consommateurs.

Face à ces apories, il est apparu nécessaire de redéfinir le délit, en le simplifiant, pour qu’il puisse être mis en œuvre par le juge. C’est en 2021 que le législateur français affiche ses nouvelles prétentions. Dès la proposition de loi, dite Chaize17, du nom de son initiateur, le projet est ambitieux. Il envisage l’adoption de mécanismes permettant d’enfermer les fabricants dans des obligations relativement strictes à l’égard de l’usage des technologies. Le texte tel qu’adopté, quant à lui, « vise à orienter le comportement de tous les acteurs du numérique, qu’il s’agisse des consommateurs, des professionnels du secteur ou encore des acteurs publics afin de garantir le développement en France d’un numérique, sobre, responsable et écologiquement vertueux » (Chevrollier, Houllegatte, 2020, p. 7). La pratique est définie par les parlementaires comme suit :

« L’ensemble des techniques conduisant à une dégradation de la performance des terminaux en raison de mises à jour de contenus ou de services numériques ou de l’indisponibilité de celles-ci. Elle constitue en cela une forme d’obsolescence programmée poussant le consommateur à renouveler son smartphone ou son ordinateur. » (ibid., p. 32)

L’objectif affiché par les rédacteurs est plus précisément celui de lutter contre la tendance initiée depuis quelques années d’une obsolescence marketing des smartphones. Ainsi, la loi de 2021 s’illustre comme un revirement dans la prise en compte par l’État des risques environnementaux engendrés par ces activités numériques. Après avoir pris conscience des différentes menaces notamment au regard de la pollution environnementale et de la réduction des ressources, il fut admis que « la réduction de cette pollution passe, entre autres, par une réponse législative » (Delpech, 2021). En cela, la loi affiche, par ses articles, une finalité distinctement environnementale qui intéresse notre étude. Ces articles intègrent la lutte contre l’obsolescence logicielle et renforcent le délit et la sanction. Plus précisément, la loi entreprend une simplification du délit et supprime, pour le consommateur, la preuve de l’augmentation délibérée du taux de remplacement (ou critère d’intentionnalité). Concrètement, cela se traduit par un inversement de la charge de la preuve : ce n’est plus au consommateur mais à la partie défenderesse, soit le fabricant, de prouver que la réduction de la durée de vie du produit n’est pas délibérée. Cette modification est une véritable avancée pour le consommateur qui n’a plus à prouver cet élément obscur, face à un fabricant qui tentait toujours de s’en défaire. Désormais, le fabricant devra agir et mettre en avant le fait que le remplacement découle d’éléments objectifs extérieurs à toute stratégie d’augmentation du taux de remplacement. Par cela, le législateur cherche à « rendre le délit d’obsolescence programmée plus dissuasif » (ibid.). Ce changement ne vaut néanmoins pas pour les affaires en cours. Or, il n’y a à ce jour aucune nouvelle plainte déposée sur le fondement repensé de la loi de 2021. En tout état de cause, les plaintes déposées sur le fondement de la précédente loi n’ont, quant à elles, pas abouti, et interrogent de nouveau son efficacité.

2.1.2. L’inaboutissement des plaintes

Dans la pratique, deux plaintes ont été déposées sur le fondement de l’article L. 213-4-1 du C. consom. tel qu’introduit par la loi de 2015. Ces plaintes ont toutes été engagées par l’association HOP (Halte à l’obsolescence programmée) à partir de témoignages de consommateurs. Cependant, aucune de ces plaintes n’a abouti à la pénalisation des fabricants assignés sur ledit fondement, ce qui démontre les limites du mécanisme pénal mis en place et de son efficacité. Plus précisément, ces plaintes révèlent la complexité à laquelle les consommateurs font face lorsqu’il s’agit de prouver l’intention délibérée d’un fabricant de prévoir l’obsolescence d’un produit.

La première plainte a été engagée pour obsolescence programmée et pratique commerciale trompeuse, en février 2017, contre les quatre leaders de fabricants d’imprimantes – bien que le procès se soit plus précisément tourné contre l’entreprise japonaise EPSON. L’association a accusé l’entreprise de pratiquer une obsolescence programmée des cartouches d’encre en empêchant les imprimantes de fonctionner. À la suite de cette accusation, le procureur de la République a parallèlement ouvert une enquête en décembre 2017 sous la compétence de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Cette plainte n’est pas la plus significative juridiquement en ce qu’elle est encore en suspens, mais est l’une des plus importantes médiatiquement puisqu’elle démontre l’inefficacité de la loi face à des pratiques qui continuent de perdurer. Aujourd’hui, même si la Commission européenne semble avoir pris conscience de cette affaire, aucune évolution juridique à l’égard des produits d’imprimantes n’est constatée.

La seconde plainte est probablement la plus caractéristique des obscurcissements de la loi : elle a été engagée contre Apple en décembre 2017 pour obsolescence programmée logicielle des téléphones portables après mises à jour du système d’exploitation par le consommateur. Elle est la seule à avoir abouti, quoique partiellement en réalité au regard de la loi de 2015. En effet, Apple a été condamnée par la DGCCRF à une amende de 25 millions d’euros au seul titre d’une pratique commerciale trompeuse par omission et non sur constatation d’un véritable délit pénal d’obsolescence réalisé par l’entreprise. En effet, ce dernier n’a pu être caractérisé faute de démonstration par les consommateurs de l’intention de l’entreprise Apple de procéder à l’obsolescence logicielle. Ce refus est d’autant plus étonnant que l’entreprise a reconnu à l’occasion de cette affaire – et également dans le cadre d’une class action menée aux États-Unis – ralentir la vitesse des processeurs de ses téléphones, donc de la fonctionnalité du produit, pour préserver leur batterie. Cette absence de délit pénal traduit une certaine inefficacité juridique et fait également obstacle à ce que les consommateurs soient suffisamment dédommagés.

Par conséquent, ces deux plaintes permettent d’aboutir à la même conclusion : la mise en œuvre de la pénalisation de l’obsolescence programmée est pour le moment quasi nulle, ce qui traduit l’inefficacité et l’ineffectivité de la loi. Plus encore, il s’agirait d’un cercle vicieux. Les plaintes ne semblent pas aboutir du fait de l’absence d’une jurisprudence sur le délit d’obsolescence programmée mais, dans le même temps, ni le juge ni le législateur n’agissent pour l’appliquer. Au contraire, ces derniers favorisent d’autres régimes juridiques existants, tels que celui de la pratique commerciale trompeuse. Ainsi, ces lois créent, par l’interdiction pénale, un double régime qui réduit, une nouvelle fois, leur efficacité potentielle. La loi de 2021 n’a d’ailleurs, de ce point de vue, rien changé. Elle a en revanche renforcé les obligations d’information du fabricant à l’égard du consommateur, notamment en matière environnementale. Mais l’absence de contrainte réelle sur la pratique de l’obsolescence perdure.

2.2. L’insuffisance des obligations d’information du consommateur

L’importance de la protection environnementale et l’attribution d’une responsabilité aux pouvoirs publics en la matière ont fait de l’obligation d’information l’un des fondements de leur action. L’obsolescence n’échappe à ces mesures et sa perspective logicielle renforce, au contraire, ces obligations d’information. Introduites dans le droit français en 2021 (2.2.1), elles sont néanmoins très souvent dénoncées pour leur souplesse. Tel est l’avis, que nous partageons, de certaines institutions européennes (2.2.2).

2.2.1. Les obligations introduites par la loi française de 2021

À défaut d’avoir renoncé à l’obsolescence, les fabricants sont, depuis 2021, obligés d’informer le consommateur des pratiques auxquelles ils s’adonnent sur leurs produits. L’inscription de ces mesures dans le Code de l’environnement intéresse particulièrement notre démonstration : traduit-elle une concrète volonté environnementale du législateur ? Si la loi de 2015 avait introduit une faible mention à une mesure de transparence visant à ce que le fabricant « garanti[sse] la qualité de l’information environnementale mise à la disposition du consommateur », à l’article 90 du C. environnement, l’objectif environnemental est réellement apparu dans le droit européen. En 2017, à l’occasion de l’avis du Parlement européen sur la durée de vie des produits, sont introduits de nouveaux angles de réflexion par le biais de mesures portant sur la transparence vis-à-vis du consommateur, sur l’encadrement des mises à jour de sécurité et sur la durabilité des logiciels ; trois éléments qui composeront d’ailleurs le cadre juridique de référence pour l’obsolescence logicielle. Dans les législations européennes de 2019 « vente de bien » et « contenus numériques », précédemment mentionnées, les obligations sont précisées : les fabricants doivent offrir des garanties de conformité du bien aux consommateurs et leur fournir des mises à jour logicielles pour que le produit reste conforme pendant la durée du contrat ou pendant une période durant laquelle le consommateur peut raisonnablement s’attendre à ce que le produit fonctionne.

Pour se conformer à ces préceptes européens, le droit français a introduit, en 2021, une série d’obligations à l’égard les fabricants qui leur imposent d’informer les consommateurs de l’impact environnemental de leurs pratiques. La loi contient tout d’abord un pan assez important de sensibilisation du consommateur et entreprend de le former à une utilisation sobre des outils et des ressources numériques. Par une modification de l’article L. 217-22 du C. consom. (dans sa version en vigueur entre le 17 novembre 2021 et le 1er janvier 202218), la loi impose différentes obligations aux fabricants qui vont permettre « au consommateur de dissocier des mises à jour nécessaires de celles qui ne le seraient pas » (Fonbaustier, 2022, p. 291). En pratique, ces derniers doivent prévenir le consommateur des mises à jour de conformité du bien réalisées automatiquement sur le produit et distinguer les mises à jour fonctionnelles (dites évolutives) des mises à jour de sécurité (dit correctives). Ce biais permettrait également de répondre à « l’objectif sous-jacent [qui] est d’éviter que les logiciels et leurs mises à jour rendent par ricochet obsolète l’équipement matériel lui-même du fait de son incapacité à les “prendre en charge”. Cette crainte que le software conditionne le hardware […] » (ibid., p. 290). L’article L. 217-33 du C. consom. (abrogé19) semble même encore aller plus loin en consacrant un droit de réversibilité au consommateur, c’est-à-dire la possibilité de refuser une mise à jour logicielle. Ce même article exige que toutes les mises à jour soient gratuites et consenties, et d’informer le consommateur des conséquences négatives de celles-ci sur le fonctionnement du terminal de son produit. En outre, la loi du 23 décembre 2023 a introduit l’article L. 111-6 du C. consom. (dans sa version en vigueur) qui impose au producteur de biens numériques d’informer le vendeur de la durée pendant laquelle les mises à jour logicielles sont compatibles avec la fonctionnalité du produit, information que le vendeur doit ensuite transmettre au consommateur. Une véritable avancée législative apparaît : les obligations imposées engagent une attitude proactive du consommateur pour contrer, dans une certaine mesure, l’obsolescence logicielle. L’une des seules limites tient à la volonté et à la capacité20 de ce dernier à agir.

2.2.2. Les limites des obligations d’information pointées par les institutions européennes

En se prononçant sur la proposition de directive sur l’économie circulaire du Parlement et du Conseil de 202221 – qui fera l’objet d’une appréciation dans la suite de cette étude, le CESE fait état des limites dans la prise en compte juridique et environnementale de l’obsolescence, et plus précisément des obligations d’information. Dans son avis à la Commission, il recommande, à juste titre selon nous, un renforcement des dispositions juridiques sur l’obsolescence logicielle. Pour lui, les obligations d’information comme seule arme juridique contre l’obsolescence ne peuvent plus suffire. Si l’information au consommateur est certes nécessaire, une intervention des pouvoirs publics pour interdire les pratiques l’est encore plus. Le Comité exprime très clairement à cet égard que :

« les mises à jour logicielles proviennent souvent de logiciels trop gourmands en mémoire et en énergie qui réduisent la durée de vie des équipements connectés. La législation ne doit pas uniquement exiger du fabricant qu’il informe le consommateur des effets indésirables d’une mise à jour. Là encore, on peut aisément imaginer comment cette information peut être cachée au milieu d’un flot d’informations positives sur cette mise à jour, conduisant le consommateur à accepter22 ».

Les critiques ici adressées à la Commission paraissent pouvoir s’étendre à l’ensemble de la politique environnementale de Union européenne (UE), voire de la France. En effet, cette dernière doit plus distinctement choisir son camp : soit conserver sa vision libérale et considérer qu’encadrer l’attitude des consommateurs par l’information finira par payer en ce que ces derniers pourront prendre conscience des problématiques environnementales – à cet égard, les doutes sont permis – ; soit considérer que l’urgence est trop grave et importante, et agir par l’intermédiaire de l’interdiction des pratiques et du placement de l’intérêt environnemental comme d’un intérêt public – ce qui apparaît plus souhaitable au regard des enjeux portés par cette pratique.

L’ensemble des difficultés énoncées dans cette première analyse de la législation française conduit certains auteurs de doctrine, suivant la même continuité que cette contribution, à s’interroger sur l’effectivité de ces législations. D’abord, au regard de la pénalisation ; au point de considérer que l’obsolescence logicielle ne serait qu’un « délit virtuel » (Dupont, 2016). Même si, pour d’autres auteurs, le risque pénal pesant sur les fabricants serait néanmoins suffisant pour les dissuader de toute violation du cadre (Robaczewski, 2022). Ensuite, au regard des obligations d’information, laissant au consommateur une marge de manœuvre importante dans sa détermination à réduire les conséquences environnementales. En outre, l’attitude des fabricants actuels semble plutôt s’inscrire dans une pensée marchande : les entreprises ne s’attachent pas ou peu à réduire leur pratique d’obsolescence, préférant le profit qu’elle leur apporte. La solution doit alors être recherchée ailleurs : comment contraindre le fabricant sans lui interdire la pratique ? L’encadrement strict de cette pratique pourrait être une piste de refonte des mécanismes qui permettrait, par là même, au législateur de renouer avec l’objectif environnemental.

3. L’efficacité partielle d’un encadrement de l’obsolescence logicielle

L’échec patent des législations françaises traduit une forme d’incapacité des États à mettre en place une réelle stratégie environnementale à l’égard de l’obsolescence logicielle. De plus, l’ouverture internationale de l’action des entreprises numériques a appelé une réponse plus générale que celle proposée par les seuls ordres internes. Bien que la globalité des phénomènes environnementaux soit souvent mise en parallèle avec la souveraineté des États, la coopération proposée par le droit européen permet ici d’offrir une réponse adéquate (Petit, 2011). Les institutions européennes ont intensifié leurs réflexions sur la corrélation entre le numérique et l’environnement et font de cette perspective l’un des piliers de leur développement pour les années à venir. L’UE perçoit clairement ici le double enjeu : le numérique sert la concrétisation des politiques environnementales européennes, mais ne peut être développé au détriment de l’écologie. Divers rapports de la Commission européenne adoptés depuis 2019 façonnent ces évolutions, tels le Pacte Vert, le rapport Une nouvelle stratégie industrielle pour l’Europe23 et le rapport Façonner l’avenir du numérique de l’Europe24, tous deux datant de 2020. En outre, fin 2020, le Conseil européen sur la transformation numérique au bénéfice de l’environnement a appelé la Commission à présenter une proposition « visant à améliorer la réparabilité des produits des [technologies de l’information et de la communication (TIC)], y compris les mises à jour des logiciels25 ». Depuis lors, il est possible d’admettre que l’élan de la réflexion environnementale sur l’obsolescence logicielle provient du cadre européen. Si des efforts en ce sens ont rapidement été engagés, l’angle choisi diffère du droit français : « l’approche directe et coercitive du législateur français n’a pas encore totalement convaincu le législateur européen » (Michel, 2021). L’analyse des textes démontre une forme de sectorialisation : entre économie circulaire (3.1) et éco-conception26 (3.2).

3.1. Les obligations de durabilité du produit : l’économie circulaire

La première piste envisagée par les institutions pour se saisir de l’obsolescence logicielle est de l’encadrer par des dispositions visant à contraindre le fabricant à la durabilité des produits : c’est l’économie circulaire, qui consiste à produire des biens durables et éviter le gaspillage. Cet élan a d’abord été impulsé par la Commission européenne dans ses stratégies environnementales, puis traduit dans le droit français en 2020 (3.1.1), avant d’être concrétisé plus récemment dans un texte juridique européen (3.1.2).

3.1.1. L’initiative française : la loi dite anti-gaspillage pour une économie circulaire

La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire qui « entend accélérer le changement de modèle de production et de consommation afin de limiter les déchets et préserver les ressources naturelles, la biodiversité et le climat » (d’après les termes du ministère de la Transition écologique), peut être identifiée comme un second modèle de législation française qui tente d’encadrer la pratique de l’obsolescence logicielle. Pour certains auteurs, « la lutte contre l’obsolescence logicielle fut engagée par la loi du 10 février 2020 » (Fonbaustier, 2022, p. 290). Cette dernière contient une série d’articles qui se concentrent indirectement sur la lutte contre cette pratique et impose des mesures à cette fin. Deux articles prévoient notamment de nouvelles obligations qui font, sans toujours la mentionner, directement référence à l’obsolescence logicielle et qui, de ce fait, méritent une appréciation approfondie.

D’une part, la loi concrétise des obligations tenant à la réparabilité du produit, associées à l’obsolescence elle-même. L’article 25 prévoit l’interdiction de « toute technique, y compris logicielle, par laquelle un metteur sur le marché vise à rendre impossibles la réparation ou le reconditionnement d’un appareil hors de ses circuits agréés » (modification de l’article L. 441-3 du C. consom., dans sa version en vigueur). L’objectif apparent est celui de palier la fin immédiate du produit qui serait provoquée par une technique logicielle. Une plainte a d’ailleurs été engagée, en décembre 2022, sur ce fondement (et sur celui de l’article L. 441-4 du C. consom.) par l’association HOP à l’encontre de l’entreprise Apple, permettant au Parquet de Paris d’ouvrir une enquête en mai 2023. Cette dernière est accusée de pratiques commerciales trompeuses et de délits assimilés à de l’obsolescence programmée, tels que décrits dans cet article. L’association dénonce des entraves à la réparation et au reconditionnement pour les pièces détachées et les informations, y compris logicielles, qui permettent la réparation des iPhones. D’autre part, la loi met en place des obligations tenant à la durée de vie des produits, ce qui, indirectement, fait obstacle à la possibilité pour les fabricants de réduire la fonctionnalité de ces derniers, par des moyens logiciels. En d’autres termes, l’article 27 créé une forme de « garantie logicielle » « en obligeant les fabricants à proposer à leurs clients des mises à jour correctives du système d’exploitation compatibles avec l’usage du produit, jusqu’à dix ans après sa mise sur le marché » (création des articles L. 217-21 à L. 217-23 du C. consom., dans leur version en vigueur entre le 12 février 2020 et le 1er octobre 2021). La loi crée ainsi une obligation pour les fabricants d’informer de la durée au cours de laquelle les mises à jour restent compatibles avec l’usage normal du bien. En plus de démontrer l’importance de cette mesure, envisager une protection longue contre les mises à jour permettra de sanctionner les détournements des fabricants par ce procédé ainsi que le manque de transparence à l’égard des consommateurs.

Cependant, et une fois de plus, ces deux articles viennent surtout modifier l’attitude vis-à-vis du consommateur en renforçant les obligations d’information à son égard. Ce qui devrait, par ricochet seulement, avoir un effet bénéfique sur l’environnement. L’article 28 de la loi l’explique ainsi : ces pratiques détournées de la part des producteurs peuvent avoir des conséquences sur la durée de vie des appareils, sur le choix et l’attitude des consommateurs, ce qui justifie d’imposer une certaine transparence, qui pourrait aboutir in fine à réduire l’obsolescence logicielle. En pratique, toutefois, les fabricants peuvent respecter au minimum ces obligations ou les détourner pour continuer de procéder à l’obsolescence. L’efficacité législative est alors questionnée. La seule évolution notable tient dans l’encadrement de la réparabilité du produit. Grâce à cette perspective, « non seulement il n’est pas permis d’anticiper la mort du produit, mais, au-delà, il doit être possible de lui donner une seconde vie » (Dubois, Leroux-Campello, 2020). En outre, dans ces dispositions, le législateur mentionne la nature « technologique » ou « logicielle » des produits. Enfin, la loi entraîne une modification du Code de l’environnement : l’article L. 110-1-1 mentionne désormais « l’allongement de la durée du cycle de vie des produits » (dans sa version en vigueur), qui semble pouvoir également s’appliquer aux problématiques d’obsolescence. Toutes ces dispositions se saisissent ainsi de problèmes connexes à l’obsolescence, sans jamais la condamner distinctement, mais en essayant de la limiter. L’élan est poursuivi au niveau européen pour entériner la pratique.

3.1.2. La concrétisation législative européenne : la proposition de directive de 2022

Le plan d’action pour l’économie circulaire de la Commission européenne remonte à 2020 et s’est concrétisé en 2022 par l’adoption de diverses mesures. L’objectif affiché par la Commission est de contribuer à une économie européenne circulaire, verte et propre, en permettant aux consommateurs d’agir directement en faveur d’une consommation plus durable et en leur délivrant les informations nécessaires pour ce faire. Pour ce qui intéresse l’obsolescence, l’UE prévoit notamment la révision de deux directives européennes qui protègent les intérêts des consommateurs : la directive 2005/29/CE sur les pratiques commerciales déloyales et la directive 2011/83/UE relative aux droits des consommateurs.

Cette ambition fut entérinée dans la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil de 2022, précédemment mentionnée, dans laquelle la prise de conscience de l’UE quant à l’importance des enjeux semble réelle et certaine. L’objectif du texte est de protéger le consommateur contre les pratiques des fabricants qui portent atteinte à l’environnement. La Commission conçoit une « interdiction de l’obsolescence programmée » par son introduction dans la liste noire des pratiques déloyales. Elle vise précisément la pratique qui consiste à « ne pas informer des fonctionnalités introduites pour limiter la durabilité d’un bien, par exemple un logiciel conçu pour bloquer ou dégrader le fonctionnement d’un bien après un certain laps de temps ». Suivant cette conception serait néanmoins sanctionnée l’absence d’information du fabricant à l’égard des consommateurs et non la pratique d’obsolescence elle-même. Selon la proposition, il est désormais prévu que le fabricant se doit de prévenir le consommateur lorsqu’une « mise à jour logicielle aura une incidence sur l’utilisation de biens comportant des éléments numériques ou sur certaines fonctionnalités de ces biens, même si cette mise à jour améliore d’autres fonctionnalités27 ». Le but incident de cette mesure est d’imposer une transparence au fabricant qui le forcera, indirectement, à réduire le nombre de mises à jour logicielles. En outre, la Commission examine des exemples précis, tels que ceux énoncés dans les premières lignes de cette contribution sur le contentieux relatif à l’obsolescence des cartouches d’imprimantes et fait état d’un regret à l’égard des pratiques visant à « presser le consommateur, via les paramètres de l’imprimante, de remplacer les cartouches d’encre avant qu’elles ne soient effectivement vides, afin de stimuler l’achat de cartouches supplémentaires ». À cet égard, elle va même jusqu’à proposer l’interdiction de la commercialisation des imprimantes concernées, affirmant une prise de position stricte face à ces détournements.

Bien que les deux questions soient liées, la Commission européenne mène en parallèle une réflexion plus précise sur l’éco-conception des produits logiciels, qui se présente également comme une piste intéressante.

3.2. Les obligations de conception du produit : l’éco-conception européenne

De récentes théories européennes – le droit français n’ayant pas encore traduit cette perspective – envisagent de freiner l’obsolescence par un encadrement de la conception même du produit. L’idée est d’admettre que certains produits doivent respecter des critères minimums de conception, qui vont avoir pour objectif de protéger l’environnement tout au long du cycle de vie du produit. Si des initiatives européennes en cette matière existent depuis 2010, elles ne prévoient principalement que des règles concernant l’étiquetage des produits. L’actualisation de cette théorie pour répondre à l’obsolescence logicielle date quant à elle de mars 2022. Deux projets coexistent.

D’une part, dans le cadre du Green deal de la Commission européenne, l’UE a envisagé de réviser la directive éco-conception des produits énergétiques de 2009. Elle a adopté une nouvelle proposition de règlement « sur l’éco-conception des produits durables28 » concédant que la conception du produit dicte considérablement son impact environnemental tout au long de son cycle de vie. Cette proposition projette en réalité d’étendre la liste des produits de la directive européenne sur l’éco-conception de 2009 à une série de nouveaux produits, notamment numériques. La croissance du nombre de produits numériques (comprenant les produits électroniques) et les conséquences environnementales de nombre d’entre eux justifient l’extension de la loi à leur égard. Une nouvelle consultation publique sur ce projet de règlement a été lancée récemment par la Commission (du 31 janvier au 12 mai 2023) et vise à recenser les nouveaux produits qui vont désormais être introduits dans le cadre législatif de l’éco-conception. La proposition en elle-même poursuit la procédure législative : le Conseil de l’UE29 et le Parlement30 ont, chacun, au cours de l’année 2023, accueilli favorablement le texte et vont commencer un travail de négociation du règlement. La position du Parlement est la plus intéressante pour notre étude : elle proposerait d’interdire explicitement l’obsolescence programmée dans le texte. L’UE développerait alors un régime juridique semblable à la France. Reste à connaître la forme et la force qui seront attribuées à cette interdiction.

D’autre part, la Commission européenne travaille également sur un projet de règlement d’éco-conception spécifique, portant sur les téléphones mobiles et les tablettes31 ; des produits extrêmement touchés par la pratique de l’obsolescence logicielle. Pour ne prendre que l’exemple le plus marquant, on peut citer Apple, qui a engagé une double stratégie de réduction de la durée de vie de ses téléphones et de ses tablettes : d’une part, volontaire, par l’intermédiaire d’une obsolescence logicielle (par des mises à jour) ; et involontaire, par une obsolescence esthétique de ses produits (et la sortie d’un nouveau design chaque année). Plus largement, comme le reconnaît l’association HOP dans plusieurs de ses articles, « l’obsolescence logicielle est aujourd’hui un frein à la durabilité des smartphones et des tablettes ». Si certains produits comme les ordinateurs et les serveurs32, ou encore les serveurs et produits de stockage de données33 sont encadrés par des règlements européens, les téléphones et les tablettes ne le sont toujours pas, et ne sont d’ailleurs liés par aucune disposition de la directive 2009 sur l’éco-conception.

L’article 6 du projet de la Commission engage deux axes :

« The energy consumption of the product and any of the other declared parameters shall not deteriorate after an operating system software update or a firmware update when measured with the same test standard originally used for the declaration of conformity34. » (§ 2)

« A software update shall never have the effect of changing the product’s performance in a way that makes it non-compliant with the ecodesign requirements applicable for the declaration of conformity35. » (§ 3)

À cet égard, la Commission demande que les fabricants réalisent des tests de performance du produit à la suite des mises à jour logicielles. L’objectif serait, à terme, d’obliger les fabricants à informer des conséquences d’une mise à jour, et notamment de son impact négatif sur la fonctionnalité du produit. Plus précisément, le projet encadre les mises à jour logicielles par plusieurs obligations temporelles. Les entreprises seront désormais obligées de fournir des « mises à jour de sécurité » pendant au moins cinq ans et des « mises à jour de fonctionnalité » pendant trois ans. Face à cette évolution, de nombreuses entreprises, et notamment celles qui utilisent le système d’exploitation Android, vont être contraintes de modifier leur stratégie de production. En effet, Android propose actuellement des mises à jour pendant une période de 2,5 ans – là où le système d’exploitation d’Apple prévoit déjà une durée minimale de cinq ans – et sera donc contraint d’allonger cette durée de vie. Notons néanmoins que certaines entreprises ont déjà réagi : depuis 2021, Samsung propose une période de quatre ans pour ses mises à jour du système d’exploitation Android. Reste que tous les fabricants devront néanmoins s’adapter à la nouvelle distinction opérée entre la sécurité et la fonctionnalité (Castellazzi, Moatti, Flury-Harard, Schwob, 2021).

Plusieurs éléments pourraient encore être améliorés dans cette proposition de règlement. En effet, bien que les changements opérés soient notables, ils restent timides. Sur le cadre temporel, plusieurs associations mettent en avant la nécessité d’une durée minimale de cinq ans pour n’importe quelle mise à jour, pouvant aller jusqu’à sept ans pour les mises à jour de fonctionnalité. En effet, encadrer la durée de vie d’un produit sur une période de trois ans reste encore trop peu ambitieux au regard du nombre de téléphones et de tablettes produits (et vendus) et de leurs conséquences environnementales. Aussi, le texte reste-t-il encore éloigné des réalités pratiques auxquelles font face les consommateurs. De ce point de vue, les associations regrettent l’absence de dissociation nette entre les mises à jour de conformité et de fonctionnalité, et plus précisément que les premières ne puissent pas être isolées des secondes. Les dissocier permettrait au consommateur de s’assurer de la sécurité de son appareil sans qu’il soit forcé de mettre à jour des fonctionnalités dont il n’aurait pas la nécessité (HOP, 11 octobre 2022).

Ces propositions européennes s’inscrivent dans la prise de conscience d’un encadrement nécessaire de la pratique de l’obsolescence logicielle. Pour autant, deux limites se font jour. D’une part, ces ambitions sont limitées par leur objet. En effet, chacun des projets présentés est précis et sectorialisé, voire appliqué à un seul produit déterminé (comme c’est le cas avec les téléphones et tablettes). La réflexion engagée ne l’est en réalité qu’au gré des revendications sociétales et commerciales. D’autre part, ces évolutions restent, pour certains points, subordonnées aux choix des consommateurs. Seuls les derniers textes semblent repenser, à la source, l’attitude du fabricant. La politique européenne reste néanmoins indispensable pour la prise en compte constante des problématiques numériques et environnementales, l’actualisation des lois existantes, voire l’introduction de nouvelles perspectives.

Conclusion

Malgré les textes, une série de limites se dessine face à la régulation de l’obsolescence logicielle. En effet, si les réglementations françaises et européennes intégrant de près ou de loin l’obsolescence logicielle ne doivent pas être ignorées, le chemin vers un cadre juridique clair, déterminé et efficace est encore long. Tout d’abord, ces réglementations semblent pour l’heure manquer de perspective environnementale. Comme cette contribution tente de le démontrer, l’angle choisi tient principalement dans le droit de la consommation pour le droit français, et reste intimement lié au marché intérieur pour le droit européen. Le type d’obligation choisi dans ces textes pose également problème : la perspective d’un encadrement positif du fabricant ayant vocation à protéger le consommateur n’apparaît pas la plus optimale pour prendre en compte les problématiques environnementales engendrées par l’obsolescence logicielle. La multiplication des obligations d’information reflète, de ce point de vue, le principal défaut des cadres de régulation envisagés. Leur efficacité juridique, qui demande traditionnellement une adéquation entre les normes émises et l’objectif de ces normes (André-Jean, 1993, p. 219) n’est pas optimale : l’objectif environnemental n’est pas entièrement atteint. Il conviendrait plutôt de multiplier et de rendre effectives les interdictions concrètes de pratique (de production et de commercialisation) imposées aux fabricants. En droit, la recherche d’une effectivité relève de la réalisation concrète de la règle énoncée (Carbonnier, 1958), ce qui reste, comme tend à le démontrer cette contribution, encore relativement rare, aussi bien dans le droit français que dans le droit européen.

En outre, répondre à un objectif environnemental demande de le placer au cœur des observations. La très récente réflexion autour de l’ecology by design offre de réelles possibilités d’avancées qualitatives qui pourraient réduire la pratique d’obsolescence logicielle. Ce mécanisme, né dans les réflexions académiques et pour l’heure peu connu, s’inscrit dans une pratique récente visant à encadrer la conception du produit par une conditionnalité juridique déterminée. En cela, ce principe s’inspire directement du privacy by design et se développe aux côtés de nouveaux concepts comme la security by design ou encore l’ethics by design. Reste que le privacy by design est le seul à avoir été juridiquement traduit36. Dans notre cas, l’ecology by design reviendrait à prendre en compte la protection environnementale dès le stade de la conception des produits numériques. Le respect de l’environnement serait le fondement et la condition au développement d’un produit sur le marché. Ce principe s’inscrit dans une recherche constante et nouvelle de sobriété numérique pour les concepteurs et les fabricants. L’ecology by design aurait pour avantage de pouvoir conditionner, et interdire, la pratique de l’obsolescence gravement attentatoire à l’environnement. Restreints par des limitations d’émission de déchets, de pollution ou encore de consommation énergétique, les fabricants seraient largement contraints de réduire leur pratique d’obsolescence favorisant chacun de ces points. Pour la première fois, il s’agit de faire apparaître les restrictions à l’obsolescence logicielle comme l’un des éléments constitutifs de la production d’un produit numérique. Du point de vue juridique, droit de l’environnement, droit numérique – et même dans une certaine mesure le droit de la propriété intellectuelle – seraient associés pour répondre aux nouveaux enjeux de l’obsolescence logicielle. En effet, il s’agirait plus globalement d’encadrer toute innovation dans le respect des normes de protection de l’environnement. Pour l’heure, l’obsolescence logicielle n’est réellement prévue ni par le droit français ni par le droit européen, bien que, pour certains avocats-conseils sur ce sujet, l’intégration d’une ecology by design serait induite par la loi française de 2021 sur la transition numérique. En effet, le référentiel d’écoconception des services numériques prévu dans l’article 25 de cette loi pourrait s’apparenter à ce qui existe dans le Règlement général sur la protection des données (RGPD) en matière de protection des données. La concrétisation de cette pensée reste néanmoins à prouver. De son côté, si l’UE réalise des avancées considérables dans l’instauration de ces notions dans le cadre numérique – elle a également intégré la conception d’ethics by design au Règlement européen sur l’intelligence artificielle –, le pan environnemental de son action reste vide. Toutefois, son activisme en la matière et l’accroissement des politiques mêlant environnement et numérique laisse présager une intervention rapide à cet égard.

Finalement, comme nombre de nouvelles pratiques numériques, l’obsolescence logicielle se confronte à l’insuffisance patente d’un droit de l’environnement efficace et effectif. Bien que des efforts de réflexions soient menés, le constat reste identique : les conséquences pour les fabricants sont insuffisantes. À cela s’ajoutent toutes les problématiques classiques du droit de l’environnement : l’intervention des lobbies, l’irresponsabilité des entreprises, l’absence de sanctions à l’égard des manquements étatiques. Peut-être pouvons-nous relativiser nos critiques en rappelant que la France est l’un des premiers États (avec les États-Unis, l’Italie et la Belgique) à se préoccuper dans son droit interne des problématiques de l’obsolescence logicielle. Mais aussi que le cadre européen semble commencer à proposer des solutions fiables pour réduire cette pratique. La prise en compte juridique de l’obsolescence logicielle n’a plus qu’à prospérer dans un sens, nous l’espérons, favorable à la protection de l’environnement.

1 Cette estimation de l’impact environnemental de l’obsolescence ne porte que sur la fabrication de nouveaux appareils et pourrait en réalité être

2 L’opération de qualification juridique est une étape indispensable qui, selon la doctrine, permet de faire entrer un fait ou un acte dans une

3 Conseil national du numérique, 2020, Feuille de route sur l’environnement et le numérique, rapport remis à la ministre de la Transition écologique

4 Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

5 Le développement des objets connectés pourrait par exemple créer de nouvelles formes d’obsolescence non encore identifiées.

6 Sont ici visées les directives dites « vente de biens », directive (UE) 2019/771 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 relative à

7 Dans sa version actuelle, en 2023, le Code de consommation prévoit les sanctions de ce délit à l’article L. 454-6.

8 Avis du Comité économique et social européen sur le thème « Pour une consommation plus durable : la durée de vie des produits de l’industrie et l’

9 Résolution du Parlement européen du 4 juillet 2017 sur une durée de vie plus longue des produits : avantages pour les consommateurs et les

10 Directive (UE) 2019/771 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 relative à certains aspects concernant les contrats de vente de biens

11 Directive (UE) 2019/770 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 relative à certains aspects concernant les contrats de fourniture de

12 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, Le Pacte vert

13 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, Façonner l’

14 Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

15 Loi n° 2021-1485 du 15 novembre 2021 visant à réduire l’emprunte environnementale du numérique en France et loi n° 2021-1755 du 23 décembre 2021

16 Voir la définition mentionnée supra : « Le recours à des techniques par lesquelles le responsable de la mise sur le marché d’un produit vise à

17 Proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France, n° 0027, déposée le 12 octobre 2020 par P. Chaize.

18 Article modifié par la loi du 23 décembre 2023, mais dont le contenu est prévu aux articles L. 217-18 et L. 217-19 du C. consom.

19 Article abrogé par la loi du 23 décembre 2023, mais dont le contenu est prévu à l’article L. 217-20 du C. consom.

20 Certaines études démontrent que le consommateur joue un rôle dans l’obsolescence des produits au même titre que le fabricant. Souvent confronté à

21 Commission européenne, Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 2005/09/CE et 2011/83/UE pour donner

22 Comité économique et social européen, Donner aux consommateurs les moyens d’agir pour la transition verte, avis, 13 juillet 2022.

23 Commission européenne, Une nouvelle stratégie industrielle pour l’Europe, COM(2020) 102 final, 10 mars 2020.

24 Commission européenne, Façonner l’avenir du numérique de l’Europe, COM(2020) 67 final, 19 février 2020.

25 Projet de conclusions du Conseil sur la transformation numérique au bénéfice de l’environnement, 13957/20, 11 décembre 2020.

26 L’économie de fonctionnalité, qui revient à privilégier l’usage d’un ancien produit à la vente d’un nouveau, est souvent associée à ces deux

27 Cette pratique commerciale a vocation à être ajoutée à l’annexe I de la directive 2005/29/CE.

28 Commission européenne, Faire des produits durables la norme, COM(2022) 140 finals, 30 mars 2022 ; Proposition de règlement du Parlement européen

29 Le 22 mai 2023, le Conseil a adopté son « orientation générale » sur le règlement établissant un cadre pour la fixation d’exigences en matière d’

30 Le 12 juillet 2023, les députés européens ont adopté leur position sur la base d’un rapport préparé par la Commission de l’environnement, de la

31 Draft, Commission Regulation (EU) laying down eco-design requirements for mobile phones, cordless phones and slate tablets pursuant to Directive

32 Règlement (UE) n° 617/2013 de la Commission du 26 juin 2013 portant application de la directive 2009/125/CE du Parlement européen et du Conseil en

33 Règlement (UE) 2019/424 de la Commission du 15 mars 2019 établissant les exigences d’écoconception applicables aux serveurs et aux produits de

34 « La consommation d’énergie du produit ni aucun des autres paramètres déclarés ne doivent se détériorer après une mise à jour du logiciel du

35 « Une mise à jour du logiciel ne doit jamais avoir pour effet de modifier les performances du produit de manière à le rendre non conforme aux

36 Ce principe est prévu à l’article 25 du Règlement général sur la protection des données et impose d’intégrer la protection des données

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Notes

1 Cette estimation de l’impact environnemental de l’obsolescence ne porte que sur la fabrication de nouveaux appareils et pourrait en réalité être affinée au regard de ses conséquences : extraction des matières premières, consommation d’énergie, émission de déchets, etc., et selon les appareils en cause. Plusieurs études sont, par exemple, menées sur l’impact environnemental des smartphones depuis 2017. Voir, par exemple, ADEME / ARCEP (2022).

2 L’opération de qualification juridique est une étape indispensable qui, selon la doctrine, permet de faire entrer un fait ou un acte dans une catégorie juridique et de lui appliquer un régime juridique correspondant.

3 Conseil national du numérique, 2020, Feuille de route sur l’environnement et le numérique, rapport remis à la ministre de la Transition écologique et solidaire et au secrétaire d’État chargé du Numérique, dont la mesure 8 prévoit de lutter contre l’obsolescence programmée en y intégrant l’obsolescence logicielle et indirecte.

4 Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

5 Le développement des objets connectés pourrait par exemple créer de nouvelles formes d’obsolescence non encore identifiées.

6 Sont ici visées les directives dites « vente de biens », directive (UE) 2019/771 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 relative à certains aspects concernant les contrats de vente de biens, modifiant le règlement (UE) 2017/2394 et la directive 2009/22/CE et abrogeant la directive 1999/44/CE ; et « contenus numériques », directive (UE) 2019/770 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 relative à certains aspects concernant les contrats de fourniture de contenus numériques et de services numériques. Ces dernières, qui demandent transposition dans le droit français, seront détaillées dans la suite de cette contribution.

7 Dans sa version actuelle, en 2023, le Code de consommation prévoit les sanctions de ce délit à l’article L. 454-6.

8 Avis du Comité économique et social européen sur le thème « Pour une consommation plus durable : la durée de vie des produits de l’industrie et l’information du consommateur au service d’une confiance retrouvée » (avis d’initiative), 2014/C 67/05.

9 Résolution du Parlement européen du 4 juillet 2017 sur une durée de vie plus longue des produits : avantages pour les consommateurs et les entreprises, 2016/2272(INI).

10 Directive (UE) 2019/771 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 relative à certains aspects concernant les contrats de vente de biens, modifiant le règlement (UE) 2017/2394 et la directive 2009/22/CE et abrogeant la directive 1999/44/CE.

11 Directive (UE) 2019/770 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 relative à certains aspects concernant les contrats de fourniture de contenus numériques et de services numériques.

12 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, Le Pacte vert pour l’Europe, COM(2019) 640 final, 11 décembre 2019.

13 Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, Façonner l’avenir du numérique de l’Europe, COM(2020) 67 final, 19 février 2020.

14 Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

15 Loi n° 2021-1485 du 15 novembre 2021 visant à réduire l’emprunte environnementale du numérique en France et loi n° 2021-1755 du 23 décembre 2021 visant à renforcer la régulation environnementale du numérique par l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse.

16 Voir la définition mentionnée supra : « Le recours à des techniques par lesquelles le responsable de la mise sur le marché d’un produit vise à réduire délibérément la durée de vie pour en augmenter le taux de remplacement. »

17 Proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France, n° 0027, déposée le 12 octobre 2020 par P. Chaize.

18 Article modifié par la loi du 23 décembre 2023, mais dont le contenu est prévu aux articles L. 217-18 et L. 217-19 du C. consom.

19 Article abrogé par la loi du 23 décembre 2023, mais dont le contenu est prévu à l’article L. 217-20 du C. consom.

20 Certaines études démontrent que le consommateur joue un rôle dans l’obsolescence des produits au même titre que le fabricant. Souvent confronté à un manque de compétences et de connaissances sur la réparabilité de son produit, il opte pour son remplacement (ADEME, 2012, notamment p. 18).

21 Commission européenne, Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 2005/09/CE et 2011/83/UE pour donner aux consommateurs les moyens d’agir en faveur de la transition écologique grâce à une meilleure protection contre les pratiques déloyales et à de meilleures informations, COM(2022) 143 final 2022/0092(COD), 30 mars 2022.

22 Comité économique et social européen, Donner aux consommateurs les moyens d’agir pour la transition verte, avis, 13 juillet 2022.

23 Commission européenne, Une nouvelle stratégie industrielle pour l’Europe, COM(2020) 102 final, 10 mars 2020.

24 Commission européenne, Façonner l’avenir du numérique de l’Europe, COM(2020) 67 final, 19 février 2020.

25 Projet de conclusions du Conseil sur la transformation numérique au bénéfice de l’environnement, 13957/20, 11 décembre 2020.

26 L’économie de fonctionnalité, qui revient à privilégier l’usage d’un ancien produit à la vente d’un nouveau, est souvent associée à ces deux perspectives mais ne fera pas l’objet d’un développement ici. Elle ne trouve pour le moment pas ou peu d’écho en matière d’obsolescence logicielle. En effet, les mises à jour sont intégrées au produit vendu et n’en sont pas isolées pour faire l’objet d’une réflexion propre sur le sujet.

27 Cette pratique commerciale a vocation à être ajoutée à l’annexe I de la directive 2005/29/CE.

28 Commission européenne, Faire des produits durables la norme, COM(2022) 140 finals, 30 mars 2022 ; Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre pour la fixation d’exigences en matière d’écoconception applicables aux produits durables et abrogeant la directive 2009/125/CE, COM(2022) 142 final, 30 mars 2022.

29 Le 22 mai 2023, le Conseil a adopté son « orientation générale » sur le règlement établissant un cadre pour la fixation d’exigences en matière d’écoconception applicables aux produits durables.

30 Le 12 juillet 2023, les députés européens ont adopté leur position sur la base d’un rapport préparé par la Commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire (ENVI) sur la révision du cadre européen d’écoconception pour des produits durables.

31 Draft, Commission Regulation (EU) laying down eco-design requirements for mobile phones, cordless phones and slate tablets pursuant to Directive 2009/125/EC of the European Parliament and of the Council and amending […], 2022.

32 Règlement (UE) n° 617/2013 de la Commission du 26 juin 2013 portant application de la directive 2009/125/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les exigences d’écoconception applicables aux ordinateurs et aux serveurs informatiques.

33 Règlement (UE) 2019/424 de la Commission du 15 mars 2019 établissant les exigences d’écoconception applicables aux serveurs et aux produits de stockage de données conformément à la directive 2009/125/CE du Parlement européen et du Conseil et modifiant le règlement (UE) n° 617/2013 de la Commission.

34 « La consommation d’énergie du produit ni aucun des autres paramètres déclarés ne doivent se détériorer après une mise à jour du logiciel du système d’exploitation ou une mise à jour du micrologiciel, lorsqu’ils sont mesurés à l’aide de la même norme d’essai que celle initialement utilisée pour la déclaration de conformité » (notre traduction).

35 « Une mise à jour du logiciel ne doit jamais avoir pour effet de modifier les performances du produit de manière à le rendre non conforme aux exigences d’écoconception applicables à la déclaration de conformité » (notre traduction).

36 Ce principe est prévu à l’article 25 du Règlement général sur la protection des données et impose d’intégrer la protection des données personnelles dès la conception d’un produit ou d’un service.

Citer cet article

Référence électronique

Esther Noël, « Obsolescence logicielle et environnement : une inefficacité juridique assumée ? Étude des législations françaises et européennes », Amplitude du droit [En ligne], 3 | 2024, mis en ligne le 21 mars 2024, consulté le 21 novembre 2024. URL : https://amplitude-droit.pergola-publications.fr/index.php?id=598 ; DOI : https://dx.doi.org/10.56078/amplitude-droit.598

Auteur

Esther Noël

Doctorante ATER en droit public, Université Paris Cité, Centre Maurice Hauriou (URP 1515) ; esthnoel5@gmail.com

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