La Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées (CIDPH) a pour objet de promouvoir, protéger et assurer la pleine et égale jouissance de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales des personnes handicapées sur un pied d’égalité avec les autres (article premier). Aux termes de l’article 27,
« les États Parties reconnaissent aux personnes handicapées, sur la base de l’égalité avec les autres, le droit au travail, notamment à la possibilité de gagner leur vie en accomplissant un travail librement choisi ou accepté sur un marché du travail et dans un milieu de travail ouverts, favorisant l’inclusion et accessibles aux personnes handicapées. Ils garantissent et favorisent l’exercice du droit au travail, y compris pour ceux qui ont acquis un handicap en cours d’emploi, en prenant des mesures appropriées, y compris des mesures législatives ».
Pour autant, le compte rendu de l’examen de la France par le Comité des droits des personnes handicapées (CDPH) des Nations unies du 23 août 20211 révèle des « niveaux de discrimination structurelle à l’encontre des personnes en situation de handicap ». Le rapporteur du Comité espère d’ailleurs que la France passe au modèle du handicap basé sur les droits de l’homme. De plus, en France, encore 16 % de la population bénéficiant de la reconnaissance administrative du handicap sont au chômage contre 8 % pour l’ensemble de la population. On observe également un taux d’emploi des personnes handicapées de 37 % contre 66 % pour l’ensemble de la population.
Tableau 1 : Taux d’activité, de chômage et d’emploi des personnes handicapées en 2019 en %
Reconnaissance administrative1 |
Population en situation de handicap2 |
Ensemble de la population |
|||||||
Ensemble | Femmes | Hommes | Ensemble | Femmes | Hommes | Ensemble | Femmes | Hommes | |
Taux d’activité | 44 | 44 | 44 | 54 | 53 | 55 | 72 | 68 | 75 |
Taux d’emploi | 37 | 37 | 37 | 47 | 46 | 47 | 66 | 62 | 69 |
Taux de chômage3 |
16 | 16 | 17 | 13 | 13 | 13 | 8 | 8 | 9 |
Effectifs (en milliers) |
2 722 | 1 360 | 1 362 | 5 951 | 3 204 | 2 748 | 40 815 | 20 840 | 19 975 |
1. Personnes déclarant disposer « d’une reconnaissance administrative d’un handicap ou d’une perte d’autonomie ».
2. Personnes déclarant disposer « d’une reconnaissance administrative d’un handicap ou d’une perte d’autonomie » ou déclarant à la fois « une maladie ou un problème de santé qui soit chronique ou de caractère durable » et « être limitées, depuis au moins six mois, à cause d’un problème de santé, dans les activités que les gens font habituellement ».
3. Le taux de chômage est calculé sur la population active âgée de 15 ans ou plus.
Champ : France hors Mayotte, population âgée de 15 à 64 ans, vivant en ménage ordinaire.
Source : « Emploi, chômage, revenus du travail », Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), 2019.
Bien que ces données fassent l’objet d’interprétations hétérogènes, il ne peut être nié, objectivement, que les personnes handicapées connaissent une perte de chance en matière d’emploi. Or, il revient aux pouvoirs publics de mettre en œuvre les moyens adaptés afin de protéger ce droit tout en veillant à leur efficience. L’État régule ainsi les inégalités par la mise en place d’un système de santé et de protection sociale adapté. Depuis les années 1970, en sus des structures sanitaires, est aussi déployé un ensemble d’établissements et de services sociaux et médico-sociaux. Leurs missions sont de mener des actions d’information, de prévention, de dépistage et de soutien auprès de personnes nécessitant l’intervention d’équipes pluridisciplinaires. Bien que la démarche soit remarquable et réponde aux recommandations des instances internationales et européennes, ces moyens paraissent se superposer sans lien apparent. Une meilleure coordination pourrait sûrement favoriser l’emploi des personnes en situation de handicap. C’est à ce dessein que s’attache cet article en soumettant les bases d’une réflexion relative à l’élaboration d’une convention d’expérimentation, potentiel support de coordination des dispositifs aux mains des personnes concernées et des acteurs intervenant dans les parcours professionnels. Pour cela, un rappel du contexte de développement de ces mesures pourra être utile pour mieux appréhender les enjeux d’une telle proposition.
De l’accent mis à l’origine sur les missions du secteur médico-social2, le législateur a évolué progressivement, dès 2002, en portant davantage son attention sur les fondements de l’action. Les enjeux étaient alors de corriger et de prévenir les inégalités tout en veillant à l’autonomie et la citoyenneté des individus. Ainsi, selon les chiffres clés de l’aide à l’autonomie publiés en 2020 par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), l’offre d’établissements et de services médicalisés a presque doublé en dix ans pour améliorer l’accompagnement des adultes handicapés, avec notamment plus 25 500 places dans des maisons d’accueil spécialisées (MAS) et foyers d’accueil médicalisés (FAM), et plus 27 000 places dans des services d’accompagnement à la vie sociale (SAVS) et services d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés (SAMSAH) en cofinancement avec les départements. En outre, 8 600 places ont été créées dans les établissements et service d’aide par le travail (ESAT) et plus de 9 000 places dans les foyers non médicalisés depuis 2009. Or, « notre pays consacre cette année 51 milliards d’euros aux politiques publiques handicap, soit 2,2 % de sa richesse produite chaque année (PIB). Pour donner un ordre d’idée, c’est autant que pour la recherche, ce qui nous classe à la troisième place européenne derrière la Suède et le Danemark. La France peut être fière. La plus importante partie du budget, 11 milliards, est dédiée à l’Allocation adultes handicapés (AAH), mais nous investissons aussi 4 milliards pour favoriser l’intégration dans l’emploi » (Cluzel, 2021).
Depuis la loi de 2005, la politique du handicap, tout en mettant l’accent sur l’impact de l’environnement sur la situation de handicap, énonce aussi des critères liés aux déficiences parmi lesquelles est citée l’« altération substantielle, durable ou définitive » des « fonctions psychiques ». D’après les données statistiques publiées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 2001, une personne sur quatre sera touchée à un moment de sa vie par un trouble psychique ; les troubles psychiques comptant parmi les causes principales de morbidité et de mortalité. Dans le programme pluriannuel – psychiatrie et santé mentale 2018-2023, la Haute Autorité de santé (HAS) souligne que :
« Ces troubles et la souffrance qu’ils engendrent ont des répercussions sur la vie personnelle et sociale des personnes concernées ainsi que sur leur entourage. Ils ont par ailleurs des conséquences économiques importantes, les dépenses d’assurance maladie du régime général liées à la prise en charge des personnes souffrant de troubles psychiques ayant représenté 15 % des dépenses d’assurance maladie du régime général en France en 2015. » (CNAMTS, 2003)
Lors de la conférence nationale du handicap du 19 mai 2016, le président de la République avait d’ailleurs annoncé qu’un volet spécifique de la stratégie pluriannuelle de l’évolution de l’offre médico-sociale serait dédié au handicap psychique. Ce volet, décliné en sept axes stratégiques, présente la diversité des besoins et souligne la nécessité notamment de :
- déployer et accompagner le parcours global coordonné pour les personnes en situation ou à risque de handicap psychique,
- prévenir et réduire les situations de non-recours initiales ou après ruptures de parcours,
- accompagner les personnes vers et dans le logement,
- favoriser l’accompagnement vers l’emploi en milieu ordinaire de travail,
- faire évoluer les pratiques des professionnels du secteur sanitaire, social et médico-social.
Pour cela, la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 et son décret d’application du 27 juillet 2017 ont posé les bases d’une politique de santé mentale territorialisée et centrée sur l’accès de tous à des parcours de santé et de vie de qualité et sans rupture. « À ce titre, [le décret] prévoit [d]es actions destinées à prévenir la survenue ou l’aggravation du handicap, par l’accès le plus précoce possible aux soins notamment de réhabilitation, et aux accompagnements médico-sociaux3. » D’ailleurs, la feuille de route « Santé mentale et psychiatrie » du Comité stratégique du 28 juin 2018 insiste sur la nécessité de promouvoir une démarche globale de réhabilitation sociale et professionnelle par une prise en compte précoce du contexte professionnel par le milieu soignant, une structuration du réseau des services de santé au travail et des relations avec les caisses d’assurance maladie. Ces actions devraient permettre de
« gagner en efficience dans les politiques de maintien dans l’emploi, renforcer le repérage et l’intervention précoces des cellules de prévention de la désinsertion professionnelle pilotées par l’assurance maladie, favoriser le recours aux dispositifs de formation et de reconversion professionnelle ouverts aux personnes exposées à certains risques professionnels ou victimes d’accidents du travail ou de maladies professionnelles (compte professionnel de prévention, compte personnel de formation) ».
La mise en œuvre de cette approche dans les territoires peut être réalisée dans le cadre des Projets territoriaux de santé mentale (PTSM) et des conseils locaux de santé mentale. Cette feuille de route fixe ainsi le cap d’une transformation structurelle et systémique du champ de la santé mentale et de la psychiatrie. Elle entend offrir des réponses de qualité, coordonnées et diversifiées pour répondre et s’adapter aux besoins de chaque usager dans une dynamique d’« aller vers » et d’empowerment. Afin de soutenir le déploiement de la réhabilitation psychosociale, vecteur de rétablissement, l’instruction du 16 janvier 2019 a en outre défini cette offre et en a apporté des éléments de cadrage.
L’accent a été mis sur le nécessaire travail en réseau lequel peut être formalisé par le biais de la convention ci-après présentée afin que soit mis en œuvre un projet global, fondement des parcours inclusifs.
Cette logique de parcours doit prendre en compte la complexité de l’environnement et la nécessaire coordination entre les partenaires. Elle induit la constitution de dispositifs souples. Il s’agit d’envisager une démarche dynamique qui « conduit à construire des réponses régulièrement renouvelées tout au long de la vie pour coller au plus près des attentes et des besoins des personnes et garantir leur place pleine et entière dans la société. Ce mouvement impose également de penser les organisations et les articulations pour éviter les ruptures ». Les parcours professionnels des personnes s’inscrivent ainsi dans une dynamique de désinstitutionalisation dans le sens présenté par la Commission européenne (Verdier, 2013). En effet, la culture institutionnelle se caractérise par une mise à l’écart des bénéficiaires, une dépersonnalisation (avec le retrait des effets personnels, les signes et symboles de l’individualité), la rigidité de la routine (horaires fixes pour le réveil, repas et activités sans tenir compte des préférences ou des besoins personnels), une organisation collective et une distance sociale liée au statut différend entre le personnel et les bénéficiaires. Sur la base des fondements de la Convention internationale des droits des personnes handicapées, le concept de processus de production du handicap démontre l’importance de l’individualisation des accompagnements et la prise en compte des habitudes de vie. Or, les contraintes institutionnelles ne le permettent pas toujours. C’est la raison pour laquelle les politiques publiques tendent de plus en plus à favoriser un parcours dans le milieu dit « ordinaire » avec le soutien et l’appui de structures spécialisées.
Cet article a donc pour dessein de soumettre des propositions pour favoriser des parcours professionnels plus fluides des personnes en situation de handicap, par le biais d’une convention d’expérimentation territoriale, en prenant en compte le cadre juridique actuel. Pour cela, après avoir analysé les freins et proposé des leviers pour les lever (1), nous analyserons les dispositifs (2) pouvant inspirer la convention d’expérimentation (3).
1. Lever les freins aux parcours professionnels des personnes en situation de handicap : entre volonté politique et propositions innovantes
La convention d’expérimentation a pour objectif de proposer une solution pour assurer la fluidité des parcours professionnels des personnes en situation de handicap. Dans une logique chronologique de parcours seront pris en compte successivement les opportunités et menaces par rapport à la reconnaissance administrative du handicap (1.1) et au cadre institutionnel proposé en termes d’accompagnements (1.2).
1.1. La reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé par la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) : entre technicité, délai et pertinence
Tout d’abord, la personne qui souhaite bénéficier de la reconnaissance de son handicap doit suivre un rite initiatique administratif. En effet, à des conditions liées à l’âge et au lieu de résidence s’ajoute l’altération des fonctions. La personne doit déposer une demande auprès de la MDPH qui sera étudiée par l’équipe pluridisciplinaire. L’objectif de la création des MDPH était de proposer un lieu unique d’accueil, d’information et de conseil où les demandes pourraient être formalisées et les besoins, évalués. Les MDPH sont l’interlocuteur de référence pour accompagner les parcours de vie des personnes en situation de handicap. Il s’agit donc d’une certaine forme de plateforme abordée sous l’angle d’un guichet unique. Pour déposer sa demande, la personne doit présenter un dossier dont la technicité peut rendre le remplissage parfois difficile. D’ailleurs, pour inciter les médecins à soutenir leur patientèle dans ces démarches et rendre ce dossier plus accessible, l’avenant n° 9 à la Convention médicale a été signé le 30 juillet 2021 entre les médecins libéraux et la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM). Cet accord vise à faciliter l’accès aux droits par l’octroi d’un soutien financier aux médecins qui peuvent de cette manière valoriser le temps qu’ils mobilisent dans l’élaboration du premier certificat médical de demande de dossier MDPH. Toutefois, l’efficacité de cette mesure est conditionnée par la formation préalable des professionnels de santé au remplissage de ce formulaire.
Afin de permettre à l’équipe pluridisciplinaire de la MDPH de prendre les orientations selon une évaluation des besoins de la personne de manière pertinente, le décret n° 2005-1587 du 19 décembre 2005 intégré à l’article R. 146-27 du Code de l’action sociale et des familles (CASF) prévoit que « le directeur peut, sur proposition du coordonnateur, faire appel à des consultants chargés de contribuer à l’expertise de l'équipe pluridisciplinaire ». Se pose alors la question du financement et du statut juridique de ces consultants. Peuvent-ils être des professionnels agissant dans un établissement sanitaire ou médico-social ? Si tel est le cas, ne faudrait-il pas avoir alors une vigilance particulière à l’égard du principe de la séparation des pouvoirs : entre celui qui ordonne et celui qui exécute. Ne risque-t-on pas de rencontrer le biais par lequel les établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS) vont tenter d’évaluer en fonction de besoins de gestion ? Ce risque peut toutefois être limité car seule la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) est à même de se prononcer sur une orientation. D’ailleurs, les mises en situation professionnelle en établissement et service d’aide par le travail (MISPE) permettent à l’équipe pluridisciplinaire de bénéficier d’évaluation en ESAT pour des primo-demandeurs d’orientation ESAT. Pour autant, seule la décision de la CDAPH a autorité. Donc, une évolution du rôle des professionnels des établissements sanitaires et médico-sociaux pourrait être envisagée dans une dynamique de collaboration avec la MDPH. D’ailleurs, l’annexe 13 de la circulaire porte cette évolution en indiquant que la participation de professionnels des centres de rééducation professionnelle (CRP) aux équipes pluridisciplinaires des MDPH prévue à l’article R. 146-27 du CASF doit être encouragée et devenir plus systématique. À ce jour, seulement quelques établissements et services de pré-orientation ou de réadaptation professionnelle (ESRP), nommés CRP avant le décret du 2 octobre 2020, participent à l’équipe pluridisciplinaire d’une MDPH et de grandes disparités sont observées au sein d’une même région où sont implantés ces établissements. Le modèle de convention d’expérimentation pourra mettre en avant le rôle des ESMS par la réalisation de prestations indirectes dans le cadre d’une participation aux équipes pluridisciplinaires des MPDH. Cela aura pour effet de soutenir les personnes en situation de handicap, les professionnels de l’équipe pluridisciplinaire et tout autre acteur intervenant dans le parcours de la personne tout en permettant peut-être de réduire les délais de traitement, facteur de rupture de parcours.
En outre, en sus des disparités territoriales en matière d’évaluation, les délais de traitement par les MDPH sont hétéroclites et souvent liés aux relations tissées entre les professionnels et les membres de l’équipe pluridisciplinaire de la MPDH. D’ailleurs, dans le cadre de la Conférence nationale du handicap du 11 février 2020, un accord de méthode avait été signé entre l’État et l’Assemblée des départements de France afin d’optimiser le pilotage et le fonctionnement des MDPH. Ainsi que l’expose le baromètre national des MDPH, publié en juillet 2021, les délais peuvent aller de 1,4 mois pour Saint-Martin à 8,7 pour le département de la Corse, avec une moyenne de 4,1 mois, au cours du 1er trimestre 2021. Or, ces délais de traitement peuvent nuire à la fluidité des parcours voire engendrer des ruptures. À ce sujet se rajoutent les questions liées à la disparité des évaluations. Comme a pu le soutenir Jean-René Lecerf, lors d’une question écrite au Sénat en avril 2011, il a été établi que, pour des pathologies identiques chez des personnes pourtant du même âge, les conditions de prise en charge du handicap pouvaient être différentes. Des traitements très hétérogènes d’une MDPH à l’autre sont observés pour de simples demandes de cartes d’invalidité pour des situations de handicap similaires. Toutefois, il existe une réelle prise en compte de ces freins. En effet, les mesures mises en place par les décrets du 5 octobre 2018 et du 24 décembre 2018 ont permis un allègement des démarches administratives. Pour éviter les situations de rupture de droits au moment du renouvellement et, plus généralement, pour limiter les écueils des délais de traitement, la RQTH peut être prorogée jusqu’à la décision suivante. Elle peut également être attribuée sans limitation de durée lorsque la situation n’est pas susceptible d’évolution. Quant à l’harmonisation des systèmes d’information des maisons départementales des personnes handicapées (SI-MDPH), elle simplifie certaines procédures pour les personnes handicapées, garantit une équité de traitement et réduit les délais de réponse. Quant à l’outil ViaTrajectoire, il permet une meilleure réactivité des établissements et services face aux besoins des personnes à réception des orientations. La mise en place d’un service en ligne de dépôt des demandes4 facilite également les démarches administratives pour peu que les personnes aient accès à l’outil informatique. Il n’en demeure pas moins que la constitution du dossier demeure la même et que l’accessibilité numérique n’est pas égale sur l’ensemble du territoire.
De plus, comme le souligne le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) 2019-2020 « Handicap et emploi », la singularisation des « travailleurs handicapés » par un statut et la mise en place de mesures spécifiques tend à les assigner et à les stigmatiser :
« L’effet de discrimination positive recherché peut se révéler contreproductif et agir au détriment des personnes qu’il est censé aider. Le fonctionnement des dispositifs est davantage guidé par une logique institutionnelle et catégorielle que par une logique de réponse aux besoins avérés. L’architecture même de ces dispositifs engendre des effets pervers, que favorise une application standardisée. Il en résulte que l’efficacité du modèle en termes d’insertion professionnelle n’est pas à la hauteur des besoins et attentes, ni des efforts consentis. »
Les personnes en emploi, pour bénéficier d’aides au maintien dans l’emploi, lors de la survenue d’un événement générateur de handicap, doivent obtenir une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) ce qui les situe dans une situation singulière par rapport aux autres salariés. Malgré le soutien proposé par l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH) auprès des entreprises, le taux d’emploi des 6 % n’est encore malheureusement pas souvent atteint au sein des entreprises concernées. Il en est d’ailleurs de même dans la fonction publique malgré le soutien du Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP), même si le taux d’emploi est plus élevé que dans le secteur privé. La convention d’expérimentation proposera des hypothèses de solutions pouvant permettre de valoriser un rôle préventif de l’AGEFIPH indépendamment de l’attribution ou non de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH). Enfin, la question de la pertinence de l’attribution de la RQTH est remise en question dès lors qu’elle n’est plus utilisée comme un outil de travail au bénéfice des personnes puisqu’elle est systématiquement accordée ; elle perd donc progressivement de son sens. Néanmoins, elle permet l’attribution de l’Allocation aux adultes handicapés (AAH) et permet de répondre aux besoins de subsistance des personnes. En fonction de la situation dans laquelle se trouvent les individus, les démarches pourront être plus ou moins incitatives pour éviter les ruptures de parcours. Ainsi faudra-t-il, par exemple, prendre en considération la situation des personnes percevant un salaire, des indemnités journalières, l’AAH, une gratification au titre du statut de stagiaire, les allocations-chômage, les personnes sans revenu quittant le milieu scolaire ou universitaire… avec toutes les questions relatives au cumul ou non de ces ressources.
Après avoir pris en considération les freins et les leviers à l’« entrée » dans la vie active des personnes en situation de handicap par la préalable reconnaissance administrative du handicap, il convient de les aborder sous l’angle du parcours professionnel.
1.2. Les opportunités et menaces : le nécessaire passage de la notion de filières à celle de parcours
Il convient de prendre aussi en compte, chronologiquement, l’évolution du cadre juridique relatif aux établissements et services accompagnant les parcours professionnels des personnes en situation de handicap.
Tout d’abord, le cadre administratif des établissements médico-sociaux s’est développé dans une logique de filières, c’est-à-dire que des missions leur ont été assignées en fonction d’une catégorie de population. Ainsi, la classification FINESS (Fichier national des établissements sanitaires et sociaux) ne prend en compte que des catégories d’établissements et services conformément aux autorisations délivrées au détriment de l’émergence de dispositifs à plusieurs établissements et services. Même si la réforme engagée par le décret n° 2017-982 du 9 mai 2017 relatif à la nomenclature des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) accompagnant des personnes handicapées ou malades chroniques a mis en œuvre une démarche de simplification et d’assouplissement du régime d’autorisation, il n’en demeure pas moins que le régime des autorisations existantes en modère la portée. En effet, l’article L. 313-1 du Code de l’action sociale et des familles indique que :
« L’autorisation ne peut être cédée qu’avec l’accord de l’autorité compétente pour la délivrer, qui s’assure que le cessionnaire pressenti remplit les conditions pour gérer l’établissement, le service ou le lieu de vie et d'accueil dans le respect de l’autorisation préexistante, le cas échéant au regard des conditions dans lesquelles il gère déjà, conformément aux dispositions du présent Code, d’autres établissements, services ou lieux de vie et d’accueil. »
Quant à l’article L. 313-1-1 du même Code, il précise que :
« Sont soumis à autorisation des autorités compétentes en application de l’article L. 313-3 les projets, y compris expérimentaux, de création, de transformation et d’extension d'établissements ou de services sociaux et médico-sociaux relevant de l’article L. 312-1, les projets de lieux de vie et d’accueil ainsi que les projets de transformation d'établissements de santé mentionnés aux articles L. 6111-1 et L. 6111-2 du Code de la santé publique en établissements ou services sociaux et médico-sociaux relevant de l’article L. 312-1 du présent Code. »
Cela génère une certaine rigidité tant du point de vue de la conception de l’institution, qui apparaît cantonnée à la notion d’établissements, services, etc., que du frein à l’adaptation. Dès lors que les autorisations se concentrent sur un public en particulier, seules les personnes qui bénéficient d’une orientation de la MDPH peuvent avoir accès à un de ces établissements ou services énoncés à l’article L. 312-1 CASF. Même s’il apparaît que le législateur a voulu créer de la souplesse en intégrant dans le 11e alinéa de l’article 312-1 CASF, la catégorie « centre ressources » indépendamment d’une quelconque filière, il apparaît en pratique que les autorisations accordées se concentrent sur une typologie de public spécifiquement. Et les gestionnaires de ces établissements et services veillent à n’accompagner que les personnes qui disposent bien de cette orientation, laissez-passer indispensable à la valorisation de l’activité conformément aux objectifs ciblés dans le Contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM). Dans le cadre de la négociation du CPOM pour les établissements et services médico-sociaux, l’évaluation de l’activité et du taux d’occupation se fait au regard des personnes accueillies bénéficiant de cette orientation. Parfois même, elle restreint le dispositif aux personnes issues du territoire. Toutefois, l’article 55 de la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2020 a limité la portée du taux d’occupation en prévoyant que « l’activité de l’établissement ou du service ne [peut] en aucun cas être appréciée exclusivement au regard du taux d’occupation ». Le rapport n° 2436 de l’Assemblée nationale du 20 novembre 2019 souligne que les critères qualitatifs doivent aussi être pris en compte par les autorités de tarification et de contrôle. Pour autant, au quotidien, les personnes accompagnées et les professionnels continuent de se heurter aux mécanismes de financements pluriels (Agence régionale de santé, Conseil départemental, Direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement, Conseil régional, etc.) et à leur rigidité. Par exemple, une association peut gérer des établissements et services disposant d’autorisation administrative différente. Elle peut ainsi soutenir le parcours professionnel des personnes dans un hôpital de jour. Or, pour bénéficier des soins dans cet établissement de santé, il n’est pas nécessaire de bénéficier d’une RQTH. Dans cette même association, il peut y avoir des établissements et services d’orientation professionnelle ou de réadaptation professionnelle qui requièrent une RQTH pour y être accompagné et permettre à ces établissements de facturer aux autorités de tarification. Quand bien même, le gestionnaire est le même, les modalités administratives d’accueil et de valorisation de l’activité diffèrent. Cette situation peut contrevenir à la fluidité des parcours voire être source de ruptures. Ainsi, un patient qui a besoin d’une formation tout en bénéficiant de soins pourrait disposer de l’évaluation et de la mise en situation au sein d’un établissement et service de réadaptation professionnelle (ESRP). Malheureusement, le financement actuel ne permettra pas à l’ESRP de financer cet accompagnement puisque la personne n’a non seulement pas la RQTH mais qu’elle ne dispose pas non plus d’une orientation de la MDPH. Toutefois, cette situation bloquante est prise en compte par les pouvoirs publics. Dans le secteur sanitaire, le rapport de la Cour des comptes de février 2021 souligne que « l’offre est cloisonnée […] entre le secteur sanitaire et les établissements et services médico-sociaux (ESMS) […]. L’organisation des soins est construite en “silos”, éclatée entre divers modes de prises en charge, y compris le plus souvent au sein d’un même opérateur ». Comme le souligne la Cour des comptes, cette situation est source de « pertes d’efficacité “systématiques” ». Et le décompte de l’activité dans les hôpitaux de jour en psychiatrie à partir principalement des jours de présence ne favorise pas la flexibilité nécessaire à des parcours fluides et en cohérence avec les besoins spécifiques de chaque patient en dehors des murs.
Ensuite, pour remédier à ces dysfonctionnements liés à cette logique catégorielle, une évolution s’est engagée progressivement dans une dynamique de parcours. Quelques actions ont tenté de répondre à une logique de parcours pour éviter les ruptures. Ainsi en a-t-il été par exemple de la circulaire n° DGCS/SD3B/CNSA/2013/381 du 22 novembre 2013. En effet, celle-ci visait à mettre en place une coordination adaptée pour certaines situations critiques. Elle avait pour objectif d’apporter l’information et les instructions nécessaires aux agences régionales de santé (ARS) concernant l’organisation d’une procédure de prise en compte des situations individuelles critiques de personnes handicapées enfants et adultes qui, en raison de la complexité de leur situation, se trouvaient en rupture de parcours et pour lesquelles aucune solution d’accompagnement adaptée n’était trouvée dans le cadre des compétences de droit commun des MDPH. En préambule, ce texte rappelle que :
« Certaines personnes handicapées, du fait notamment de la technicité des soins nécessaires pour un accompagnement adapté, ont besoin d’interventions très spécifiques, concertées et coordonnées. Elles peuvent être confrontées à une absence de prise en charge, à des refus ou à des ruptures d’accueil unilatérales. La transformation de l’offre médico-sociale, son articulation avec le champ sanitaire et social, le déploiement des plans “maladies rares”, “handicap rare”, autisme, sont des réponses structurelles mais dont le terme est incompatible avec l’urgence exprimée par les personnes et leur famille. »
Il fallait donc trouver des solutions en matière de coordination ; les pouvoirs publics étant conscients de l’origine des ruptures dans les parcours. Bien que ces actions ponctuelles soient remarquables, le rapport Piveteau du 10 juin 2014 est considéré comme le précurseur d’une évolution de l’offre afin de mettre un terme aux ruptures dans les parcours. Il établit deux conditions cumulatives pour obtenir un système dit efficace : il faut partir des besoins et des attentes de la personne qui vit dans un environnement propre au quotidien (plus souvent nommé « milieu ordinaire ») et faire intervenir des accompagnements spécialisés nécessaires pour permettre à la personne d’y répondre et ainsi prévenir les situations de handicap. Il s’agit par conséquent de faire prévaloir le principe de subsidiarité ; le milieu dit ordinaire doit être le principe.
Enfin, à ces logiques de filières doivent se substituer des réponses modulables. Ce rapport souligne, au point 7.1.2., qu’« une “réponse” doit mobiliser des “dispositifs” (ou “plateformes”), c’est-à-dire des interventions multimodales et d’intensité adaptable » qu’il définit de la façon suivante :
« L’offre modulaire est d’abord une offre “multimodale”, qui permet d’articuler plusieurs interventions professionnelles en les séquençant dans le temps (par exemple, un accueil en foyer d’accueil médicalisé [FAM] avec quelques journées par semaine ou par mois en ESAT, ou en hôpital de jour). L’offre modulaire est également une offre “d’intensité adaptable”, qui permet l’accompagnement renforcé – temporairement ou durablement – par une densification des interventions (par exemple, l’intervention de l’hospitalisation à domicile [HAD] en MAS, ou d’un orthophoniste libéral en instituts médico-éducatifs, etc.). »
C’est sur la base de ces principes constitutifs de leviers que la convention d’expérimentation doit s’appuyer. D’ailleurs, les pouvoirs publics ont déjà mis en place des dispositifs inscrits dans cette dynamique. Il convient désormais de les analyser pour inspirer la proposition de convention.
2. Des dispositifs coordonnés et modulables, sources d’inspiration de la convention d’expérimentation
Grâce aux textes juridiques déjà adoptés (1.1), des dispositifs modulables et coordonnés (2.2) peuvent être mis en place pour pallier les biais engendrés par la logique de filières dans le cadre des autorisations et du Contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM).
2.1. Des prestations modulables, coordonnées et évaluées
Tout d’abord, il était indispensable d’apporter davantage de modularité par le biais d’une adaptation du cadre général d’intervention des établissements sanitaires et médico-sociaux : le CPOM. Pour rappel, cette forme de contractualisation a été mise en place par la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale. L’enjeu était alors de mettre en cohérence les objectifs du gestionnaire et de ses structures avec les politiques publiques sociales et médico-sociales. Avec la circulaire DGCS/3B/2017/148 du 2 mai 2017 relative à la transformation de l’offre d’accompagnement des personnes handicapées dans le cadre de la démarche « une réponse accompagnée pour tous », de la stratégie quinquennale de l’évolution de l’offre médico-sociale (2017-2021) et de la mise en œuvre des décisions du Comité interministériel du handicap (CIH) du 2 décembre 2016 (NOR : AFSA1713274C), le CPOM constitue un moyen pour améliorer, moderniser et transformer l’offre par une description des modalités de contribution à la construction du parcours des personnes en réseau avec des partenariats formalisés notamment. Les liens entre le financement des structures et la réponse aux besoins et attentes des personnes peuvent ainsi s’en trouver renforcés. Par cette circulaire, la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion et la directrice de la CNSA insistent sur la nécessaire coopération entre les acteurs pour mettre en œuvre des passerelles entre les différents modes de prise en charge et les divers types d’établissements ou services d’un même gestionnaire en fonction de l’évolution des personnes handicapées et de leur parcours de vie. Le fait qu’un même gestionnaire dispose d’établissements ou services avec des autorisations différentes doit permettre de faciliter les passerelles par le biais du CPOM. D’ailleurs, le guide méthodologique de la mesure de l’activité publié par le CNSA en 2019 confirme cette évolution en affirmant le passage d’une « logique de “parcours” et de réponse accompagnée, et le dépassement de la notion de “places”. Le fonctionnement des établissements et services en “dispositif” permet une adaptation continue aux besoins des usagers. Les évolutions du secteur tendent à gommer la distinction entre “établissements” et “services” au profit d’une réflexion globale sur les modalités d’accompagnement dans leur ensemble ». L’introduction d’une certaine souplesse dans le fonctionnement et l’environnement institutionnel du secteur médico-social devrait permettre le développement de modes d’intervention sur les lieux de vie de la personne, à son domicile et en milieu ordinaire, facteur d’inclusion des personnes en situation de handicap. La convention d’expérimentation territoriale aura ainsi pour vocation de pouvoir être un outil à destination des gestionnaires qui souhaiteraient décrire les processus d’accompagnement dans une logique de parcours.
Ensuite, la garantie de la pertinence et de l’efficacité de cette modularité doit être consacrée par une évaluation rigoureuse. Dans le décret n° 2018-5196 du 27 juin 2018 relatif à la modulation des tarifs des établissements et services sociaux et médico-sociaux en fonction de l’activité et à l’affectation de leurs résultats retient, comme critère d’évaluation, le nombre de prestations réalisées au cours de l’année civile. Or, une logique de parcours plaide davantage pour une analyse de l’offre médico-sociale sous l’angle des résultats pour les personnes. Il revient donc au gestionnaire de s’appuyer sur l’expertise des pairs-aidants et du savoir expérientiel des personnes concernées pour soumettre aux autorités de tarification des indicateurs d’évaluation pertinents. Même si ce décret fait encore référence au taux d’occupation, il n’en demeure pas moins qu’une nouvelle voie de négociation est offerte avec le recours à la nomenclature SERAFIN puisque l’activité est évaluée en fonction du nombre de prestations.
Enfin, pour comprendre l’intérêt du recours à cette nomenclature, comme outil d’évaluation, il convient d’apporter quelques éléments de précisions. La Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) et la CNSA conduisent, depuis fin 2014, les travaux nécessaires à la réforme de la tarification des établissements et services qui accueillent et accompagnent les personnes handicapées en France. La feuille de route du projet SERAFIN-PH, validée par le Comité stratégique de la réforme le 26 novembre 2014, a acté le principe d’une méthode participative pour construire les nomenclatures de besoins et de prestations. Ainsi, un Groupe technique national (GTN) composé de différents acteurs concernés par la réforme a été constitué. On y retrouve des représentants de l’État, des ARS, des départements, des MDPH, des agences, des établissements publics de l’État et de la Caisse nationale de sécurité sociale, des fédérations gestionnaires et associations de directeurs, les représentants des associations et des gestionnaires, désignés par le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) en janvier 2015 et d’autres opérateurs tels que l’Association nationale des centres régionaux d’études, d’actions et d’informations (ANCREAI). Cette indication apporte une précision fondamentale par rapport aux potentiels signataires de la convention. L’objectif de ce projet est de proposer un nouveau modèle d’allocation de ressources. Mais, au-delà de la dimension financière, il s’agit d’un outil qui s’inspire de la Classification internationale du fonctionnement (CIF) et qui peut constituer un moyen pour organiser les structures en mode « dispositif ». En effet, cette nomenclature se fonde sur une approche multidimensionnelle (ou « écosystémique ») du handicap qui prend en compte les interactions entre les facteurs personnels et environnementaux qui ont des conséquences sur les fonctions et structures psychiques et corporelles de la personne, limitent ses activités et réduisent sa participation sociale. Cette nomenclature présente l’avantage de valoriser à la fois le temps passé pour les « prestations directes » (les prestations de soins et d’accompagnement) et pour les « prestations indirectes » (fonctions de pilotage et fonctions support) nécessaires à la mise en œuvre et à la qualité des prestations directes. Il sera fondamental que les éventuels utilisateurs de la convention d’expérimentation prennent en compte les évolutions de cette nomenclature car le Comité stratégique du 8 décembre 2020 a précisé que le nouveau modèle tarifaire serait approfondi en 2021 et devrait permettre la mise en place d’une expérimentation à blanc du pré-modèle tarifaire en 2022. Parallèlement, un kit pédagogique sur l’utilisation qualitative des nomenclatures des besoins et des prestations sera mis à disposition des acteurs par l’équipe SERAFIN-PH.
Après avoir présenté les bases juridiques pouvant permettre d’offrir des parcours modulables et coordonnés, il convient désormais de présenter les dispositifs déjà déployés.
2.2. Des dispositifs modulables et coordonnés déjà déployés
La prise en compte de ces enjeux liés au décompte de l’activité et à la fluidité des relations avec la MDPH a été consacrée notamment par la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 (article 91) et le décret du 24 avril 2017 relatif au fonctionnement des ESMS en dispositif intégré dont l’annexe 1 comprend le cahier des charges définissant les conditions de fonctionnement en dispositif intégré. Sa mise en place nécessite, en premier lieu, la signature d’une convention-cadre départementale, interdépartementale ou régionale entre MDPH, ARS, organismes de protection sociale, services académiques et organismes gestionnaires d’Instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (ITEP) et de Services d’éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) qui doivent s’engager à fonctionner conformément au cahier des charges. Or, ainsi que le souligne la CNSA dans son guide publié en janvier 2019, dans le cadre du dispositif ITEP (DITEP), la coexistence d’un comptage de l’activité d’accueil de nuit en nuits, de l’accueil de jour en journées, et de l’ambulatoire en actes ou séances n’est pas sans poser de problèmes. En effet, cela revient à additionner des unités d’œuvres différentes. Cette situation rend complexe également la définition d’une cible d’activité pertinente. En dépassant ces difficultés administratives, les pouvoirs publics ouvrent la voie des possibles et consacrent la prévention des ruptures de parcours. Dès lors qu’une orientation DITEP est accordée par la CDAPH, nul n’est besoin de déposer un nouveau dossier auprès de la MDPH même en présence d’une modification substantielle du plan personnalisé d’accompagnement. Dès lors que l’ensemble des parties sont d’accord sur les changements de modalités d’accompagnement envisagées, une nouvelle notification n’est pas nécessaire. Si nous nous inspirons de ce dispositif en prenant l’exemple d’une personne accompagnée par un ESAT qui revoit son projet et souhaite bénéficier d’une formation en établissements et services de réadaptation professionnelle (ESRP), cela lui serait alors possible dès lors qu’il s’agit du même gestionnaire ou qu’une convention de partenariat a été formalisée. Cette hypothèse sera par conséquent prise en compte dans le cadre de la proposition de convention d’expérimentation.
Dans une logique similaire au déploiement de la logique de parcours, la loi de 2016 précitée institue également les « plateformes territoriales d’appui à la coordination des parcours complexes ». Le décret n° 2016-919 du 4 juillet 2016 précise d’ailleurs que : « La plateforme territoriale d’appui vient en soutien à l’ensemble des professionnels sanitaires, sociaux et médico-sociaux qui ont besoin de recourir à des compétences complémentaires pour les patients relevant d'un parcours de santé complexe. » Il s’agit donc d’un guichet auquel peuvent faire appel les professionnels. En l’espèce, la convention d’expérimentation vise à répondre aux demandes de la personne et à favoriser sa participation. De ce fait, ce modèle ne sera pas retenu dans le cadre de la convention d’expérimentation soumise. Et cela d’autant plus qu’avec la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, ces plateformes ont vocation à être regroupées, avec les coordinations territoriales d’appui (CTA), les centres locaux d’information et de coordination (CLIC) et les méthodes d’action pour l’intégration des services d’aide et de soins dans le champ de l’autonomie (MAIA), d’ici 2022, dans les dispositifs d’appui à la coordination (DAC), seul interlocuteur pour les parcours de santé et de vie complexes.
Ont également été mis en place des pôles de compétences et de prestations externalisées (PCPE). Ils ont été définis par l’instruction n° DGCS/SD3B/2016/119 du 12 avril 2016 relative à la mise en œuvre des pôles de compétences et de prestations externalisées pour les personnes en situation de handicap qui en a fixé un cahier des charges types. Il s’agit d’un dispositif qui vient compléter une organisation fonctionnelle et territoriale, dont la finalité est de concevoir et organiser une réponse transitoire ou pérenne, pour des personnes n’ayant pas de réponse partielle ou totale adaptée à leurs besoins. Étant donné que l’objet de cette étude est de proposer une fluidification des liens entre les établissements et services déjà existants, ce mode de fonctionnement ne sera pas non plus retenu même s’il constitue une source d’inspiration.
Dans la mesure où le sujet traite du parcours professionnel des personnes en situation de handicap, il ne peut être fait l’impasse sur l’emploi accompagné également considéré comme un dispositif aux termes du décret n° 2016-1899 du 27 décembre 2016. Les dispositions de l’article D. 5213-88 du Code du travail, qui en sont issues, précise que l’objectif de l’emploi accompagné est l’insertion dans le milieu ordinaire de travail. Grâce à une convention de gestion, une personne morale dite gestionnaire organise le soutien à l’insertion professionnelle et l’accompagnement médico-social du travailleur handicapé ainsi que l’accompagnement de son employeur. Ce dispositif s’inscrit dans le cadre du plan régional d’insertion des travailleurs handicapés. Il fait le lien entre un travailleur handicapé, en emploi en milieu ordinaire ou en ESAT, et une entreprise et une personne morale gestionnaire ; les modalités conventionnelles de ce dispositif sont donc une source d’inspiration indéniable à l’élaboration de la convention d’expérimentation.
Pour corriger le manque de lisibilité lié à la multiplicité des acteurs et des dispositifs, la plateforme Mon Parcours Handicap5 a été instituée afin de faciliter l’accès à l’information, d’autant plus qu’elle met à disposition cette information suivant la méthode « Facile à lire et à comprendre » (FALC). Le projet Communautés 360, présenté en janvier 2021, invite à expliciter les relations et les pratiques, à définir précisément les circuits de transfert des informations et à caractériser les opérations à réaliser pour chaque sollicitation.
Le décret n° 2020-1216 du 2 octobre 2020 relatif aux missions et aux conditions d’organisation et de fonctionnement des établissements et services de pré-orientation et de réadaptation professionnelle pour les personnes handicapées permet d’ouvrir le débat et offre des opportunités d’évolution puisqu’il apparaît possible, pour toute personne morale ou physique, de solliciter les services de ces établissements. De plus, ce même décret souligne que ces établissements et services ou leurs gestionnaires peuvent avoir recours à une plateforme de services pour mobiliser ou mettre en commun les moyens nécessaires à la réalisation de leurs missions. Toutefois, l’arrêté détaillant ces modalités n’a pas encore été adopté.
Riche de ce panel de dispositifs juridiques – pour en revenir au dessein de cette recherche –, l’objectif est de proposer aux personnes en situation de handicap, dont le projet de vie requiert l’exercice d’une activité professionnelle, des prestations adaptées pour répondre à leurs besoins. Cette idée se rapproche manifestement de la définition juridique de la notion de plateforme retenue à l’article L. 312-7-1 du CASF. Y est précisé que le fonctionnement en dispositif intégré correspond à une organisation des établissements et des services afin de favoriser un parcours fluide et des modalités d’accompagnement diversifiées, modulables et évolutives en fonction des besoins des enfants, des adolescents et des jeunes adultes qu’ils accompagnent. La voie est également ouverte aux dispositifs partenariaux dès lors qu’une convention, présentée dans les développements suivants, est signée entre les établissements et services intéressés.
Ce document de travail, à destination de l’ensemble des partenaires engagés au service du parcours professionnel des personnes en situation de handicap, doit aussi être délimité du point de vue de sa portée.
3. Une convention d’expérimentation, outil de consécration d’un dispositif intégré « plateforme : un emploi pour tous »
Dans la feuille de route MPDH 2022, déployée en octobre 2020, il était fixé cinq axes de transformation parmi lesquels sont présentées l’adaptation des droits et des parcours aux besoins de la personne en situation de handicap et la clarification du rôle et de l’engagement des différents acteurs, fondements du projet de convention d’expérimentation territoriale. Le rapport IGAS souligne que les tentatives de coordination dans le champ de l’emploi des personnes handicapées ont déjà fait l’objet de treize conventions à la date d’élaboration du rapport. Néanmoins, ce projet a pour objet de soutenir les structures dans la redéfinition de leurs process centrés sur la personne. Il s’inspire d’un certain nombre de documents juridiques déjà élaborés, à savoir :
- L’accord de confiance entre l’État, l’Assemblée des départements de France (ADF), les associations représentatives des personnes en situation de handicap et les organisations du secteur de l’offre d’accompagnement du handicap.
- Le modèle de convention de gestion des dispositifs d’emploi accompagné proposé dans l’arrêté du 23 novembre 2017.
- Le modèle national de convention-cadre soumis dans l’instruction n° DGCS/3B/2017/241 du 2 juin 2017 relative au déploiement du fonctionnement en dispositif intégré des ITEP et des SESSAD.
- Les recommandations de bonnes pratiques professionnelles (RBPP) et les outils intégrés dans les volet 1 et 2 « Pratiques de coopération et de coordination du parcours de la personne en situation de handicap », publiés par l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM) en mars 2018 et disponible sur le site de la Haute Autorité de santé (HAS).
Inspirée de ces documents et des développements proposés par Jean-René Loubat6, cette convention aura pour objectif de favoriser la coordination de structures existant au sein d’une même entité gestionnaire avec ses partenaires dans une dynamique de case management, car elle se caractérise par « un souci d’efficience (objectifs prévus, durée déterminée, évaluation systématique), par une posture centrée sur la personne et ses intérêts (advocacy), une relation privilégiée (coaching) et une recherche d’autonomie (empowerment) de la personne et maîtrise du processus ». Cette convention intègre donc les différentes étapes de coordination du parcours et des projets professionnels personnalisés telles que Jean-René Loubat les propose et qui comprennent : l’accueil, l’appréciation de la situation, la planification et la mise en réseau, la mise en œuvre et le suivi continu, l’évaluation et enfin la sortie ou le réajustement.
Il ne s’agira pas de juxtaposer les établissements et services de l’entité gestionnaire dans une logique unique d’économie d’échelle mais bien de proposer un outil pour mettre en place une véritable plateforme de services. M. Loubat propose qu’un « service de coordination de parcours et de projets personnalisés » soit au cœur de l’environnement. Toutefois, même si ce modèle peut être retenu, la convention offre la possibilité d’envisager l’organisation différemment. En effet, le rapport IGAS 2019-2020 a souligné l’importance des solutions individualisées et du lien relationnel. Le fait de passer préalablement par un « guichet » coordonnant le parcours peut peut-être avoir pour biais de ne pas créer le lien recherché. D’ailleurs, les personnes ont déjà accès à un guichet unique par l’intermédiaire de la MDPH. Le fait de devoir passer encore par un service de coordination de la plateforme reviendrait à créer de nouveau un guichet, ce qui pourrait avoir pour résultat de contrevenir à la réactivité recherchée. Peut-être est-il en effet plus pertinent que des professionnels de chaque pôle de compétences puissent se réunir pour aider le professionnel coordinateur de parcours. Toutefois, la personne doit bénéficier de l’accompagnement d’une personne « référente » si elle le souhaite ; même si nous avons conscience que le turnover des professionnels induit nécessairement du changement. Chaque plateforme, avec l’appui des personnes, élabore son projet ; il n’est nullement question ici de s’inscrire dans un quelconque choix. Il reviendra donc au gestionnaire de déterminer, dans les processus, les modalités de recours aux prestations par la personne avec un choix en faveur ou non du service de coordination au sein de la plateforme ou d’autres modalités innovantes.