La corbeille numérique, vers un tri et une régulation des déchets virtuels ?

Résumé

Les déchets virtuels font l’objet de peu d’études juridiques et pourtant, à l’instar des déchets numériques matériels, ils jouent un rôle considérable dans l’empreinte carbone du numérique. Ils sont le grand oublié des législations et des politiques de transition écologique. Cet article met en exergue la disparité dans l’encadrement des déchets et établit une typologie des déchets virtuels. Il est ainsi possible de distinguer les déchets virtuels volontaires, subis, flottants et inertes. Il ressort clairement que le numérique est à l’origine d’une évolution dans la conception des déchets dans la mesure où ces derniers ne sauraient désormais être conçus uniquement comme une res derelicta. Ils englobent ainsi bien plus que la seule chose délaissée ou vouée à l’être. La rationalisation de la production des déchets virtuels passera inéluctablement par une régulation par la donnée. Celle-ci facilitera et organisera le tri, le recyclage, la taxation et le régime de responsabilité des propriétaires et producteurs des déchets virtuels.

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Mots-clés

déchets numériques, déchets virtuels, corbeille numérique, écologie, environnement, régulation, données, taxation

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Texte

Les déchets semblent consubstantiels aux activités de l’homme. Aucune activité humaine, que ce soit sur terre, en mer, dans l’espace ou encore dans le monde numérique, n’échappe à la production des déchets (Lecompte, 2017 ; Monsaingeon, 2017). La réglementation des déchets ne date pas d’hier1. Certains déchets, en raison de leur extrême dangerosité aussi bien pour la santé humaine que pour les générations futures, font l’objet d’une réglementation spécifique et même internationale2. Il est principalement fait référence aux déchets radioactifs3, toxiques, nucléaires (Balaguer, 2019), biologiques, aux déchets médicaux ou encore aux déchets humains avec les articles L. 2223-1 et suivants du Code général des collectivités territoriales sur l’aménagement des lieux d’inhumation et des cimetières (Zachayus, 2019 ; Brunot, Thompson, 2010). Il faut dire que ces déchets ont ceci de commun qu’ils sont physiques, matériels et tangibles4.

Il existe cependant une catégorie de déchets liés aux activités de l’homme qui demeure inexplorée, sinon peu étudiée aussi bien par la doctrine juridique que par les législations de part et d’autre du globe. Pourtant, les déchets virtuels ou déchets numériques immatériels, ou encore en anglais digital trash, sont tout aussi responsables de l’émission de dioxyde de carbone (CO2), de la pollution et du réchauffement climatique. Les études sur le numérique5 se contentent d’établir la consommation énergétique des outils numériques, ainsi que leur émission de CO2 sans rechercher la part imputable aux déchets virtuels. Elles relèvent généralement que le numérique consomme 10 % de l’énergie au niveau mondial et établissent une répartition en fonction des outils employés. En effet, ces 10 % se répartissent approximativement entre 30 % pour les data centers, 30 % pour les équipements terminaux des utilisateurs, notamment les ordinateurs, et 40 % pour les réseaux de télécommunications. En France, les téléphones, tablettes et autres écrans connectés sont responsables de plus de 10 % de la consommation énergétique française, ce qui équivaut selon l’Agence de la transition écologique (ADEME) à la consommation annuelle de près de 8,3 millions de foyers. De même, l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP), dans son rapport Pour un numérique soutenable6, se limite à préciser que le numérique représente aujourd’hui de 3 à 4 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde et que ces émissions pourraient augmenter de 60 % d’ici à 2040. Il appert clairement que ces études sur l’empreinte carbone et énergétique du numérique n’intègrent pas un rôle éventuel des déchets virtuels, ce qui aurait été pertinent pour l’identification précise des différentes sources de pollution numérique.

Le souci de crédibilité et d’efficacité des politiques de préservation de l’environnement et de transition écologique commande de ne pas négliger cette nouvelle catégorie de déchets qui connaît une importante prolifération depuis l’adoption des mesures consécutives à la Covid-19 et plus précisément du télétravail7. De plus, avec l’avènement du métavers, de l’identité numérique8, des smarts cities, des objets connectés, des cryptocurrencies et des non-fungible token (NTF), il est certain que ces déchets virtuels seront appelés à pulluler. Ces derniers devraient par conséquent être au centre des réflexions juridiques. S’ils sont proches des déchets sonores9, ils ne doivent en aucun cas être confondus avec les déchets numériques résultats de l’obsolescence programmée matérielle. Ils sont parfois qualifiés d’objets juridiques non identifiés10 (Djazouli-Bensmain, 2019) et ont la particularité d’être intangibles, immatériels et difficiles à conceptualiser.

Si l’objectif premier est d’explorer cette réalité qui tire ses fondations dans l’espace immatériel et d’insister sur la nécessité pour les pouvoirs publics de se saisir de cette dernière, l’analyse de la part des déchets virtuels aussi bien dans la pollution numérique que dans la dégradation de l’environnement est un préalable. Il est crucial que le droit du numérique tout comme le droit de l’environnement se saisissent des déchets virtuels. Pour le premier, à l’image des déchets matériels11, les déchets virtuels ralentissent et bouchent les canaux numériques, les flux de données et menacent par voie de conséquence l’attractivité et la fluidité de la « vie virtuelle12 ». Pour le second, les déchets numériques matériels et immatériels seront dans les dix prochaines années l’un des principaux émetteurs de CO2 et consommateurs d’énergie (Bordage, 2019).

Ainsi, il est question de sensibiliser dans les lignes suivantes sur cette catégorie de déchets numériques qui est tout aussi à l’origine du réchauffement climatique. Pour ce faire, il sera, d’une part, question de revenir sur l’approche juridique des déchets, d’apporter des précisions sur la notion de déchets virtuels, de décrire la part de ces déchets dans la pollution numérique (1) et, d’autre part, de proposer, à partir des mesures normatives existantes, de possibles outils d’encadrement tenant compte de la spécificité de ces déchets (2).

1. La notion de « déchet »

Si, dans l’usage quotidien, ce qui est déchet ne laisse généralement que peu de place à l’équivoque, il en est autrement lorsqu’on y ajoute le qualificatif « virtuel ». Ce n’est guère étonnant dans la mesure où le déchet virtuel n’est pas rattaché à une matière physique et tire ses fondations dans un espace immatériel. Le mot « déchet » dérive de l’étymologie « déchoir » et du bas latin cadere qui signifie tomber. Selon Baptiste Monsaingeon est déchet ce qui gît dans la poubelle, ce qui encombre les décharges, ce qui pollue la nature (Monsaingeon, 2017).

La réglementation actuelle, bien que dense, fournit une définition des déchets (1.1) qui fait fi des données indispensables à la description et à la classification en typologie des déchets numériques et plus précisément des déchets virtuels (1.2).

1.1. Une conception restrictive des déchets numériques

La directive (UE) 2018/851 du 30 mai 2018 modifiant la directive 2008/98/CE relative aux déchets appréhende le déchet comme « toute substance ou tout objet, ou plus généralement tout bien meuble, dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention ou l’obligation de se défaire ». Cette définition reprise par l’article L. 541-1-1 du Code de l’environnement a également inspiré la convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontaliers de déchets dangereux et de leur élimination13. Si ces différents textes ont le mérite de ne pas faire de la matière tangible l’élément consubstantiel ou caractéristique du déchet, il faut néanmoins relever qu’il existe en pratique une disparité dans l’encadrement des déchets. En effet, la réglementation en la matière apparaît déséquilibrée et se fait au détriment des déchets virtuels.

Alors que les déchets matériels des activités humaines, notamment les déchets ménagers et d’activités économiques, sont l’objet d’un cadre juridique14, les déchets des activités humaines dans l’espace numérique sont encore dépourvus aussi bien de réglementation que de régulation. Et pourtant, le monde virtuel copie le monde réel avec son goût pour les déchets. La corbeille présente dans nos ordinateurs et les fonctions de nos messageries en sont une parfaite illustration. Quand bien même le législateur s’intéresse à la production numérique des déchets, ce n’est que pour saisir leur aspect visible et donc matériel15. Ce qui se matérialise d’ailleurs dans les politiques de collecte, de recyclage et de valorisation des terminaux tels que les téléphones, les tablettes et les ordinateurs portables dont les consommateurs souhaitent se défaire16. Le législateur ne s’intéresse en réalité qu’aux outils matériels délaissés permettant ou qui permettaient le numérique et qui sont qualifiés par certains auteurs de « décharges numériques » (Creane, 2015).

La directive de 2018 et le Code de l’environnement abondent dans le même sens lorsqu’ils mettent essentiellement l’accent sur « la lutte contre l’obsolescence programmée » des équipements électriques et électroniques. Par ailleurs, si les lois n° 2021-1485 du 15 novembre 2021 visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France et n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire ont le mérite d’intégrer la dimension immatérielle « écoconception des services numériques » dans l’étude de la pollution numérique, il faut dire qu’elles ne font néanmoins pas exception. Elles retiennent également une approche principalement matérielle des déchets numériques. C’est ainsi que l’article 13 du premier texte dispose que

« lorsque cela est nécessaire pour atteindre les objectifs de collecte qui leur sont fixés en application de la présente section et afin de réduire les stocks d’équipements usagés inutilisés, les producteurs d’équipements électriques et électroniques ou leur éco-organisme mènent, chaque année, des opérations de collecte nationale accompagnées d’une prime au retour pour les particuliers qui rapportent les équipements dont ils souhaitent se défaire, pour les téléphones, les tablettes et les ordinateurs portables ».

En réalité, si la réglementation actuelle se focalise sur les déchets numériques matériels, c’est principalement parce qu’ils sont visibles et moins abstraits. La catégorie virtuelle ou immatérielle des déchets numériques est donc la grande oubliée de la transition écologique bien qu’elle soit tout autant à l’origine de l’émission de CO2 que de la pollution environnementale. Il semblerait d’ailleurs que ces déchets jouent un rôle considérable dans la consommation énergétique de nos outils informatiques (Andrae, 2020).

Les déchets numériques matériels et immatériels sont à l’origine de l’empreinte carbone du numérique. Si la part des terminaux dans cette empreinte est visible et considérable17, la prise de conscience de l’existence des déchets virtuels est essentielle pour faire du numérique un levier de la transition écologique conformément aux objectifs poursuivis par la Convention citoyenne pour le climat18.

1.2. Une nécessaire prise en compte des déchets virtuels

Cet article s’inscrit dans la même lignée que les réflexions sur la souveraineté dans l’espace numérique dans la mesure où il s’agit d’une certaine manière pour un État de contrôler, voire de maîtriser, la production des déchets dans son espace virtuel. L’appel à une conception plus complète des déchets numériques se fait ainsi ressentir. Autrement dit, à une conception qui ne se réduit plus uniquement à la catégorie matérielle de ces déchets mais qui englobe l’aspect immatériel dont l’obsolescence programmée logiciel serait l’amplificateur.

L’étude des déchets virtuels ne peut révéler toute sa pertinence qu’avec l’appréhension de la notion de « corbeille ». Ce mot polysémique n’est pas étranger au droit et plus précisément au droit de la concurrence19(Arhel, 2002). La corbeille numérique est appréhendée ici comme une forme de zone de transit destinée à recevoir tous les blocs de données dont on a l’intention de se défaire20. La présence des déchets dans cette zone dépend de la volonté de l’utilisateur de l’outil numérique. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les déchets virtuels subis échappent encore à la corbeille numérique.

Le déchet virtuel peut tout d’abord s’entendre comme un ensemble stable et structuré de données altérées présentes dans la corbeille numérique ou dans la mémoire morte d’un terminal. Cette approche du déchet virtuel n’est pas éloignée de la définition fournie par l’article L. 541-1-1 du Code de l’environnement puisqu’elle met l’accent sur l’action et la volonté du détenteur ou de l’auteur du fichier. La présence dans la corbeille numérique de ce bloc structuré et stable de données traduirait sans équivoque la volonté, l’intention de l’utilisateur ou de l’auteur de les abandonner ou de s’en dessaisir. Le déchet virtuel est facilement identifiable ici puisque tout dépend de l’action de l’auteur du fichier.

Le déchet virtuel s’entend ensuite comme tout résidu d’une activité en ligne à l’origine d’une surconsommation énergétique et d’une surémission de CO2 relativement à ce qui est nécessaire pour la réalisation d’une tâche numérique déterminée. Cette activité peut consister à un processus de traitement de textes ou à une activité sur un moteur de recherche. Il n’y a pas ici une volonté identifiable de l’auteur ou du consommateur numérique de s’en défaire ou de l’abandonner puisqu’il n’a généralement pas conscience de leur existence. La production de cette typologie de déchet est généralement fonction de l’éco-usage numérique propre à chaque personne physique ou morale.

Le déchet virtuel peut enfin s’entendre comme toute perte qu’un fichier ou une donnée éprouve dans sa quantité et/ou sa qualité et rendant impropre son exploitation. La perte de valeur d’un fichier peut parfois provenir de leur duplication ou encore du traitement du bloc stable et structuré des données.

Il découle de ces différentes approches que les déchets virtuels peuvent faire l’objet de classifications selon qu’ils sont voulus ou subis par le consommateur numérique. Il est aussi possible de les distinguer selon qu’ils sont flottants ou inertes21. Les déchets virtuels inertes sont des déchets qui ne circulent pas et qui ont très peu d’incidence sur les canaux numériques. Ils sont propres à leur outil numérique source et source de surconsommation en énergie de celui-ci. À l’inverse, les déchets flottants sont des blocs de données altérés ou résidus de données qui circulent dans les canaux numériques, les flux de données et qui ont perdu de leur intérêt relativement à leur destinataire, à un traitement numérique. Afin de rendre plus concrète la matière, il est nécessaire d’examiner les situations de production des déchets virtuels.

En effet, si les déchets sont des choses abandonnées ou délaissées, les comptes utilisateurs qui sont délaissés (en raison du décès de l’utilisateur) ou volontairement abandonnés constitueraient de véritables déchets virtuels qui sont non seulement source de pollution de l’espace public numérique mais aussi de surconsommation énergétique des serveurs22. C’est dans cet esprit que le réseau social Facebook est d’ailleurs qualifié de cimetière mondial en raison du nombre de profils abandonnés et qui ne sont pas voués à être supprimés conformément au Règlement général sur la protection des données23. Si la difficulté ici se situe dans l’identification de ce que l’on pourrait qualifier de profils déchets, elle peut être surmontée par l’analyse et l’évaluation de l’activité du compte-profil pendant une certaine période. Il s’agira par exemple de définir un régime de prescription à l’issue de laquelle le compte basculera dans la catégorie de déchets et sera ainsi voué à la suppression. Ainsi, les différents comptes inactifs sur les réseaux sociaux en raison principalement du décès de leurs propriétaires s’apparenteront à des choses laissées-pour-compte, abandonnées24.

Par ailleurs, si le déchet est entendu comme une chose de laquelle on se défait, un fichier Word, PDF ou dossier présent dans la corbeille d’un terminal matérialise l’intention de son auteur de s’en défaire et s’apparente par conséquent à un déchet virtuel. Il constitue ainsi une parfaite illustration du cas où un utilisateur a clairement décidé de se séparer d’une image, d’un fichier. C’est également un excellent exemple de déchets inertes25. Il convient de signaler que le fait pour un utilisateur de vider sa corbeille ne met pas pour autant fin à l’existence de ces déchets26. En outre, si la corbeille une fois vidée fait disparaître les déchets qui y étaient présents, il faut dire que ces derniers continuent néanmoins à générer une surconsommation d’énergie. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ils peuvent être reconstitués (Djazouli-Bensmain, 2019). C’est dans cette optique que les opérateurs ont développé des processus et logiciels destinés à la suppression définitive de données stables et structurés des équipements numériques27. Lorsque l’ADEME, dans son nouveau guide En route vers la sobriété numérique28, conseille de désencombrer les ordinateurs de « données inutiles » tels que le téléchargement, l’historique ou encore les cookies, il y a une indexation implicite du rôle des déchets virtuels inertes sur la fluidité numérique et dans l’empreinte carbone du numérique.

L’ouverture de plusieurs fenêtres ou moteurs de recherche, la lecture de contenus numériques en ligne et la mise en veille d’un outil numérique génèrent une variété de résidus. Ces résidus ou pertes résiduelles de données ou fichiers résiduels de caches et de flots de données produits au cours d’une tâche numérique sont, s’ils ne sont pas éliminés, à l’origine de la surcharge des data centers et donc de la surconsommation en électricité de ces derniers. Ils appartiennent à la catégorie de déchets flottants en raison de leur incidence sur la circulation des données29. Lorsque l’ADEME préconise de limiter le nombre de programmes ou d’onglets ouverts et inutilisés, il y a cette fois une forme d’indexation des déchets virtuels flottants dans la pollution numérique30.

De plus, la consommation en énergie liée au fonctionnement des outils numériques et principalement des smartphones a longtemps été un sujet de préoccupation des fabricants. Ces derniers ont développé une série de logiciels de nettoyage des déchets virtuels31. C’est dans l’optique de réduire la surcharge de ses data centers et de faire des économies sur la consommation en électricité de ses serveurs que les algorithmes de la plateforme You Tube « interrompent » une lecture en ligne en cas d’inactivité sur l’outil numérique durant une certaine période. Ce faisant, ils réduisent la production des pertes résiduelles. L’obsolescence programmée génère également des déchets virtuels flottants puisqu’elle rend les blocs stables de données inopérants, inutiles et impropres à une exploitation.

Il ressort clairement que le numérique est à l’origine d’une évolution dans la conception des déchets et que ces derniers ne sauraient se concevoir uniquement comme une res derelicta puisqu’ils englobent ici bien plus que la seule chose délaissée ou vouée à l’être.

2. Les outils d’encadrement des déchets virtuels

Les déchets virtuels ne se rapprochent pas des déchets matériels seulement en ce qui concerne la volonté ou l’intention de leurs détenteurs de s’en défaire. Certaines mesures d’encadrement de la production des déchets tangibles peuvent s’étendre aux déchets virtuels (2.1). Cependant, la spécificité des déchets immatériels commande d’esquisser de nouveaux outils (2.2).

2.1. La transposition des normes existantes aux déchets virtuels

Bien que la législation sur les déchets et les différents travaux32 sur l’écoconception des logiciels et des plateformes numériques ne prenne pas en compte les déchets virtuels dans l’évaluation de la pollution numérique, certaines des mesures qui y sont préconisées ou imposées peuvent s’appliquer aux déchets virtuels.

Il en est par exemple des politiques de tri, de recyclage et de traitement (toute opération de valorisation ou d’élimination, y compris la préparation qui précède la valorisation ou l’élimination) des déchets33. Dans cette perspective, le tri des déchets virtuels consistera à séparer les blocs stables et structurés de données de lecture simple ou cachés et les blocs stables et structurés de données écritures en vue de leur traitement. Plus simplement, il s’agira de regrouper les fichiers altérés des corbeilles en fonction de leur nature, de leur extension. Un fichier Word pourra par exemple faire l’objet d’un recyclage en réécriture. Pour les fichiers dont la revalorisation semble impossible, il serait utile de préconiser l’exploitation de logiciels de suppression de données inutiles, y compris de fichiers caches.

De même, l’encadrement de la production des déchets virtuels pourrait se faire par le dispositif « Oui Pub » institué par le décret du 28 novembre 202234. Ce dispositif pourrait prendre la forme d’une fonctionnalité destinée à matérialiser l’intention d’un utilisateur de recevoir ou non des mails publicitaires. En effet, ces mails sont généralement déposés dans les messageries en dépit du souhait de l’utilisateur de s’en soustraire. Ils deviennent ainsi des déchets virtuels ayant un impact carbone non négligeable.

Par ailleurs, « le dispositif d’affichage de l’impact environnemental des biens et services » de la loi du 22 août 202135 peut également jouer un rôle dans la réduction des déchets virtuels et, partant, leur encadrement. Il est question d’apporter aux consommateurs des informations non seulement sur les émissions en CO2 des activités numériques (une requête sur un moteur de recherche émet l’équivalent de 5 à 7 grammes de CO; l’envoi d’un mail avec une pièce jointe d’un méga octet émet environ 19 grammes de CO; il en est de même de la lecture des vidéos en ligne, du stockage des photos, du streaming ; The Shift Project relève que la vidéo en ligne génère 300 millions de tonnes de CO2 par an36), mais également sur les déchets immatériels générés par les outils et les tâches numériques. Pour ce faire, il est nécessaire d’identifier leur part dans l’empreinte carbone du numérique. Tâche qui s’avère difficile et c’est à juste titre que Françoise Berthoud soulignait qu’il était « difficile de se faire une idée précise de l’état de nos connaissances sur les impacts environnementaux des technologies numériques » (Berthoud, 2017). L’ARCEP abonde dans le même sens lorsqu’elle relève que « 5 % de l’empreinte environnementale du numérique est imputable aux réseaux et les informations sont encore trop peu nombreuses pour permettre la décomposition de cet impact et d’identifier finement les leviers d’action ».

C’est dans ce sens que différentes études37 établissent la consommation énergétique des outils numériques, ainsi que leur émission en CO2 sans rechercher la part imputable aux déchets virtuels. Elles relèvent généralement que le numérique consomme 10 % de l’énergie au niveau mondial et établissent une répartition en fonction des outils employés. En effet, ces 10 % se répartissent approximativement entre 30 % pour les data centers, 30 % pour les équipements terminaux des utilisateurs, dont les ordinateurs, et 40 % pour les réseaux de télécommunications. En France, les téléphones, tablettes et autres écrans connectés sont responsables de plus de 10 % de la consommation énergétique, ce qui équivaut, selon l’ADEME, à la consommation annuelle de près de 8,3 millions de foyers.

Analyser la part des déchets virtuels dans la pollution numérique ou dans l’empreinte environnementale du numérique reviendrait tout d’abord à évaluer ou à estimer les grammes de CO2 découlant de la présence de ces déchets dans un terminal ou dans les canaux de données. En réalité, il s’agira d’analyser pour une tâche numérique précise la quantité de CO2 produite selon que le terminal permettant le numérique est « neutre » ou inondé de multiples déchets virtuels. En effet, les enquêtes de terrain ont permis de constater qu’une requête sur un moteur de recherche à partir d’un ordinateur neuf ou faisant l’objet d’une gestion numérique écoresponsable émettrait moins de CO2 et consommerait moins d’énergie qu’un ordinateur contenant une panoplie de fichiers dans la corbeille ou encore ayant plusieurs fenêtres ouvertes. Cette différence dans la consommation d’énergie et dans l’émission de CO2 permet d’apprécier la pollution numérique imputable aux déchets virtuels. Si les déchets virtuels ne sont pas explicitement cités, l’accent mis sur le comportement des utilisateurs à travers le concept « sobriété numérique » vise en réalité à réduire la production de ces déchets38.

Il convient de souligner que tout outil numérique dès sa première mise en marche génère des déchets virtuels mais la quantité et la fréquence dans la production dépend en partie du comportement de l’utilisateur et de la conception des codes informatiques. C’est la raison pour laquelle certains travaux indexent la configuration des applications pour justifier le décalage dans l’émission des CO2 ou dans la consommation d’énergie pour une tâche donnée39 et préconisent l’écoconception des sites et applications pour réduire l’empreinte carbone numérique. Il convient de noter que l’enjeu ne saurait être de dissuader l’usage des outils numériques mais d’assurer une gestion durable des déchets virtuels.

2.2. L’esquisse d’outils nouveaux spécifiques aux déchets virtuels

Un essai d’encadrement des déchets virtuels ne saurait fait fi des interrogations sur les sources de ces déchets ainsi que sur les responsabilités susceptibles d’en découler. Qui produit les déchets virtuels ? Est-ce l’usager du numérique ? ou alors la plateforme qui, en conservant les données sur ses serveurs participe à la pollution numérique ? Il s’agit en réalité d’identifier la source des déchets ou son producteur et, par conséquent, l’acteur auquel il reviendra en fin de compte de traiter ces déchets virtuels. Autrement dit, l’acteur sur lequel pèseront l’obligation de recyclage, d’élimination et le règlement d’une éventuelle taxe de pollution numérique.

Plusieurs responsabilités peuvent être retenues. Celle de la plateforme qui continue de sauvegarder dans ses data centers les données délaissées par les usagers ou à propos desquelles l’auteur a manifesté une intention claire de s’en défaire. Ces données non éliminées par la plateforme entraînent une surconsommation énergétique, en eau et une surémission de CO2. Il est clair qu’ici l’avenir de ces déchets, notamment leur recyclage, revalorisation ou élimination, dépend de la plateforme. Il est donc logique de faire peser sur cette dernière une obligation de minimiser la production des déchets virtuels. C’est d’ailleurs dans ce sens que des études préconisent d’inciter les opérateurs à cesser leur politique de conservation quasi automatique des données abandonnées ou éliminées par les utilisateurs. Ce qui ne manquera pas d’interroger de nombreuses législations, spécialement celles sur la conservation des données de connexion ou encore sur les données médicales et le renseignement40.

La responsabilité des utilisateurs peut être retenue lorsque l’usage du numérique ou des outils numériques ne fait pas l’objet d’une gestion écoresponsable. Si la sobriété numérique semble constituer pour l’instant un droit mou, la régulation par la donnée favorisera le passage à un droit dur. La régulation par la donnée s’entend comme une modalité de régulation qui consiste à exploiter la puissance de l’information afin de mieux atteindre les objectifs de protection de l’environnement, en particulier de réduction des déchets41. Elle permettra de distinguer le consommateur écoresponsable dans l’usage des outils et services numériques des autres. Il sera aisément possible de connaître la masse de déchets virtuels produits par ménage et par outil numérique. C’est dans cette perspective qu’il peut être introduit un quota dans la production des déchets virtuels et une imposition en cas de dépassement de celui-ci ou alors en fonction de la masse de données stockées par les plateformes. Il convient toutefois de signaler les difficultés et notamment juridiques auxquelles ferait face une régulation par la donnée. En effet, l’accès aux données sur les déchets virtuels produits par les consommateurs peut s’apparenter à un traitement au sens du Règlement général sur la protection des données42 dans la mesure où, bien que déchets virtuels, ces derniers pourraient être considérés comme des données à caractère personnel. La forme de déchet des données n’exclut ainsi pas a priori l’application de la législation sur la protection des données. Cependant, l’impérieuse nécessité de protéger l’environnement, la santé et de ne pas compromettre le bien-être des générations futures commande d’appréhender ces données abandonnées sous un autre angle43. Plus concrètement, il pourrait s’agir d’accorder aux déchets virtuels un statut particulier qui permettrait de les soustraire de l’application du RGPD.

L’encadrement de la production des déchets virtuels pourrait également passer par la mise en place d’une obligation de « put off » ou de « désactivation » des services Internet ou de la connexion Internet après une certaine période d’inactivité sur un outil numérique. La règle n’est ainsi plus destinée seulement à garantir la sécurité de l’outil numérique mais également et désormais à réduire l’émission des déchets virtuels, et donc à protéger l’environnement. En effet, l’activation permanente des données Internet sur un appareil mobilise les data centers qui stockent des données, consomment de l’électricité, de l’eau et émettent du CO2. Les data centers sont ainsi sollicités du fait d’une demande énergétique en augmentation liée à ces pratiques énergivores. C’est dans le même raisonnement que s’inscrit le règlement (UE) 2023/826 de la Commission du 17 avril 2023 établissant les exigences d’écoconception relatives à la consommation d’énergie en mode arrêt, en mode veille et en veille avec maintien de la connexion au réseau des équipements ménagers et de bureau électriques et électroniques, conformément à la directive 2009/125/CE du Parlement européen et du Conseil.

Le caractère intangible des déchets virtuels impose une approche renouvelée dans la gestion et dans la prévention de la production des déchets. La régulation par la donnée est essentielle pour le contrôle et la répression de la production des déchets virtuels. En effet, les outils techniques rendent possible l’analyse de la consommation énergétique et d’émission de CO2 des ordinateurs et des téléphones. Apple a d’ailleurs développé, bien avant la loi AGEC (anti-gaspillage pour une économie circulaire) et la loi de 2021 visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France, un logiciel diagnostic capable d’établir le nombre de fois qu’un appareil a été rechargé depuis sa mise en service (le pourcentage de batterie au moment de la mise en charge), le nombre de réinitialisations, de mises en veille d’un appareil, ainsi que le nombre de fois qu’il a été éteint. Cet outil vise notamment à identifier les dysfonctionnements de la batterie qui relèveraient du défaut de fabrication ou alors du mauvais usage ou entretien de l’utilisateur. Les conclusions de ce logiciel conditionnent le déclenchement de la garantie réparation ou l’exonération de l’opérateur. Un tel outil pourrait servir à l’évaluation de la sobriété numérique d’un consommateur ou d’un ordinateur44. Il ressort ainsi deux leviers d’action pour l’encadrement des déchets virtuels. L’un centré sur les acteurs privés et l’autre centré sur l’action des pouvoirs publics.

1 Comment ne pas se rappeler des fameux arrêtés pris en 1884 par le préfet de la Seine, Eugène-René Poubelle, qui organisait déjà le ramassage et le

2 Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination. [https://www.basel.int/TheConvention

3 Loi n° 2006-739 du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs.

4 À l’exception des bruits et des odeurs.

5 Rapport de l’ARCEP, décembre 2020, Pour un numérique soutenable ; rapport d’information n° 555 (2019-2020) de la Commission de l’aménagement du

6  L’ADEME, qui organise régulièrement des semaines européennes de réduction des déchets (SERD) qui visent à mettre en lumière les bonnes pratiques de

7 Et plus précisément les politiques de télétravail.

8 Décret n° 2022-676 du 26 avril 2022 autorisant la création d’un moyen d’identification électronique dénommé « Service de garantie de l’identité

9 Le régime des déchets virtuels, en raison de leur nature immatérielle, pourrait s’inspirer de celui du bruit. Cette approche semble pertinente tant

10 Le dramaturge Rafael Spregelburd rappelle dans sa pièce Spam que le monde virtuel copie le monde réel pour essayer de sembler crédible. Alors il

11 En particulier, les déchets ménagers qui bouchent les canalisations d’évacuation des eaux usées.

12 Cette pollution peut également avoir un impact sur la circulation des données dans la cité virtuelle, sur le flux des données (bugs, surcharge des

13 Elle définit à son article 2 les déchets comme « des substances ou objets qu’on élimine, qu’on a l’intention d’éliminer ou qu’on est tenu d’

14 Articles 1520 à 1526 du Code général des impôts relatif à la taxe d’enlèvement des ordures ménagères et article 1636 sur les taux différents en

15 Loi n° 2021-1485 du 15 novembre 2021 visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France ; l’article L. 541-10-20 du Code de l’

16 En raison, par exemple, de la détérioration significative des capacités du produit.

17 Les terminaux sont à l’origine d’une très grande part des impacts environnementaux du numérique. Selon Green IT, ils « représentent 63 % des gaz à

18 La Convention citoyenne pour le climat (CCC) a été constituée en octobre 2019 par une lettre de mission du Premier ministre adressée au Conseil

19 La corbeille de la mariée est une pratique par laquelle un acteur de la distribution prend prétexte d’une augmentation de sa puissance d’achat

20 En tant que zone de transit, la corbeille offre une seconde chance aux fichiers avant leur élimination ou destruction définitive.

21 Ils ne s’entendent pas ici au sens de l’article R. 541-8 du Code de l’environnement, même s’ils répondent à plusieurs égards aux critères contenus

22 Ces profils utilisateurs « inactifs » continuent de mobiliser les drives et clouds.

23 HUB Institute, 2019, « Facebook, nouveau cimetière numérique ? », [https://www.hubinstitute.com/articles/facebook-nouveau-cimetiere-numerique].

24 La question à se poser est de savoir si ces déchets, tout comme les déchets physiques, peuvent faire l’objet d’appropriation. La réponse à cette

25 Dans la mesure où ils sont propres à l’outil numérique source et sont à l’origine de la surconsommation en énergie de ce dernier. Ils ne circulent

26 Digital Cleanup Day: « The digital trash creates digital pollution that continues to consume energy even when we have forgotten it. Digital trash

27 Si la suppression définitive de ces déchets est favorable à la protection de l’environnement, elle ne manque pas d’inquiéter la criminologie

28 ADEME, 2022, « En route vers la sobriété numérique », [https://librairie.ademe.fr/cadic/6555/guide-en-route-vers-sobriete-numerique-202209.pdf].

29 Les déchets flottants sont des blocs de données altérés ou résidus de données qui circulent dans les canaux numériques, les flux de données et qui

30 ADEME, 2022, « En route vers la sobriété numérique », précit.

31 Digital Cleanup Day, précit.

32 Voir le rapport d’information fait au nom de la Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable par la Mission d’information

33 L’ensemble des opérations réalisées sur des déchets qui permet de séparer ces déchets des autres déchets et de les conserver séparément, par

34 Modifiant le décret n° 2022-764 du 2 mai 2022 relatif à l’expérimentation d’un dispositif interdisant la distribution d’imprimés publicitaires non

35 Portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

36 The Shift Project, juillet 2019 « Climat : l’insoutenable usage de la vidéo en ligne. Résumé aux décideurs », [https://theshiftproject.org/

37 Voir note 5.

38 La sobriété numérique désigne un changement des usages marqué par la réduction de l’empreinte carbone qui implique d’acheter moins d’appareils et

39 Laure Cailloce, 16 mai 2018, « Numérique : le grand gâchis énergétique », CNRS Le journal, [https://lejournal.cnrs.fr/articles/

40 Décret n° 2021-1361 du 20 octobre 2021 relatif aux catégories de données conservées par les opérateurs de communications électroniques, pris en

41 Autorité de régulation des transports, « Nouvelles modalités de régulation. La régulation par la donnée », [https://www.autorite-transports.fr/

42 Traitement renvoie à toute opération ou tout ensemble d’opérations effectuées ou non à l’aide de procédés automatisés et appliquées à des données

43 Il est question de ne pas appréhender les données abandonnées sous le strict angle du droit des déchets actuel.

44 Par exemple, le calculateur Green Algorithms peut être utilisé pour estimer l’empreinte carbone d’une tâche en fonction de ces paramètres, [www.

Bibliographie

Les adresses Internet citées dans cet article ont été consultées le 19 janvier 2024.

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Notes

1 Comment ne pas se rappeler des fameux arrêtés pris en 1884 par le préfet de la Seine, Eugène-René Poubelle, qui organisait déjà le ramassage et le tri des déchets pour des raisons de salubrité et de santé publique ; la directive-cadre n° 75/442/CEE du 15 juillet 1975 relative aux déchets (JOCE L 194, 25 juillet 1975) ; la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 relative à l’élimination des déchets et à la récupération des matériaux (JORF, 16 juillet 1975) ; la directive-cadre n° 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets et abrogeant certaines directives (JOUE L 312, 22 novembre 2008) ; l’ordonnance n° 2010-1579 du 17 décembre 2010 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine des déchets (JORF n° 0293, 18 décembre 2010, p. 22301, texte n° 10).

2 Convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination. [https://www.basel.int/TheConvention/Overview/TextoftheConvention/tabid/1275/Default.aspx].

3 Loi n° 2006-739 du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs.

4 À l’exception des bruits et des odeurs.

5 Rapport de l’ARCEP, décembre 2020, Pour un numérique soutenable ; rapport d’information n° 555 (2019-2020) de la Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, 24 juin 2020, Pour une transition numérique écologique ; étude de Green IT, 2019, Empreinte environnementale du numérique mondial.

6  L’ADEME, qui organise régulièrement des semaines européennes de réduction des déchets (SERD) qui visent à mettre en lumière les bonnes pratiques de consommation allant dans le sens de la prévention des déchets, ne s’intéresse pas aux déchets virtuels (la SERD 2023 a été consacrée au thème des emballages, celle de 2022, au thème du textile). Les déchets virtuels semblent négligés par les institutions en charge de la protection de l’environnement ; ils sont les grands oubliés de la transition écologique.

7 Et plus précisément les politiques de télétravail.

8 Décret n° 2022-676 du 26 avril 2022 autorisant la création d’un moyen d’identification électronique dénommé « Service de garantie de l’identité numérique » (SGIN) et abrogeant le décret n° 2019-452 du 13 mai 2019 autorisant la création d’un moyen d’identification électronique dénommé « Authentification en ligne certifiée sur mobile », [https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045667825].

9 Le régime des déchets virtuels, en raison de leur nature immatérielle, pourrait s’inspirer de celui du bruit. Cette approche semble pertinente tant les effets de ces deux éléments tendent à engendrer des nuisances concrètes sur l’environnement, sur le réchauffement climatique sans pour autant être tangibles ; voir les articles L. 571-1 à L. 571-19 du Code de l’environnement.

10 Le dramaturge Rafael Spregelburd rappelle dans sa pièce Spam que le monde virtuel copie le monde réel pour essayer de sembler crédible. Alors il copie aussi son goût pour les déchets. Comment expliquer autrement sinon les spams et là très coûteuse industrie des antivirus, des nettoyeurs, des filtres et des pare-feux qui ne sont que la grotesque réplique d’une immense déchetterie, ou celle de cette île de plastique qui tourbillonne au milieu du Pacifique, ou encore celle des déchets nucléaires ensevelis dans le désert du Nouveau Mexique.

11 En particulier, les déchets ménagers qui bouchent les canalisations d’évacuation des eaux usées.

12 Cette pollution peut également avoir un impact sur la circulation des données dans la cité virtuelle, sur le flux des données (bugs, surcharge des datas), la consommation d’électricité et l’attractivité du monde numérique.

13 Elle définit à son article 2 les déchets comme « des substances ou objets qu’on élimine, qu’on a l’intention d’éliminer ou qu’on est tenu d’éliminer en vertu des dispositions du droit national ».

14 Articles 1520 à 1526 du Code général des impôts relatif à la taxe d’enlèvement des ordures ménagères et article 1636 sur les taux différents en cas de distinction de zones de ramassage ; articles L. 2224-13 à L. 2224-17-1 du Code général des collectivités territoriales sur la gestion de la collecte des déchets ménagers et assimilés et articles L. 2333-76 à L. 2333-80 sur la redevance d’enlèvement des ordures ménagères, redevance sur les terrains de camping, redevance spéciale.

15 Loi n° 2021-1485 du 15 novembre 2021 visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France ; l’article L. 541-10-20 du Code de l’environnement est complété par un point III ainsi rédigé : « III. Les objectifs de recyclage, de réemploi et de réparation fixés par les cahiers des charges des éco-organismes ou des systèmes individuels agréés en application de l’article L. 541-10 sont déclinés de manière spécifique pour certains biens comportant des éléments numériques, au plus tard le 1er janvier 2028 » ; de la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 relative à l’élimination des déchets et à la récupération des matériaux jusqu’à la directive du 19 novembre 2008 relative au déchet, l’histoire de l’appréhension juridique du déchet a été celle de son extension et de sa clarification ; directive n° 2002/96/CE du Parlement européen et du Conseil relative aux déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) du 17 janvier 2003 ; loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire instaure un indice de réparabilité des produits électriques et électroniques ; directive n° 2012/19/UE du 14 juillet 2012, transposée par le décret n° 2014-928 du 19 août 2014 relatif aux déchets d’équipements électriques et électroniques et aux équipements électriques et électroniques usagés, qui impose la reprise gratuite des petits équipements par les magasins de plus de 400 m² dédiée à la vente d’équipements électriques et électroniques. Dernièrement, le remplacement des équipements électriques et électroniques (EEE) s’est accéléré et les EEE sont devenus une source de déchets de plus en plus importante. Le décret relatif à l’information du consommateur sur les qualités et caractéristiques environnementales des produits générateurs de déchets a fixé le délai d’écoulement des stocks au 1er janvier 2023. L’écoulement des stocks consacré est une mesure de sécurité juridique qui permet aux producteurs et aux importateurs de continuer de commercialiser pendant un certain délai des produits non conformes aux exigences d’informations environnementales de l’article L. 541-9-1 du Code de l'environnement à condition qu’ils aient été fabriqués ou importés avant la date de publication du dudit décret.

16 En raison, par exemple, de la détérioration significative des capacités du produit.

17 Les terminaux sont à l’origine d’une très grande part des impacts environnementaux du numérique. Selon Green IT, ils « représentent 63 % des gaz à effet de serre émis par le secteur, 75 % des ressources consommées, 83 % des consommations en eau. À l’échelle de l’empreinte carbone nationale, cette proportion est encore plus forte puisque 81 % des émissions du numérique français proviennent des terminaux. Et cette part pourrait s’accroître à 82 % en 2040. Les terminaux sont d’autant plus émetteurs qu’ils sont très fréquemment renouvelés. Selon l’étude, la durée de vie actuelle d’un smartphone serait de seulement 23 mois » (Bordage, 2019).

18 La Convention citoyenne pour le climat (CCC) a été constituée en octobre 2019 par une lettre de mission du Premier ministre adressée au Conseil économique, social et environnemental. La CCC regroupe des citoyennes et citoyens tirés au sort et a pour objectif de « définir les mesures structurantes pour parvenir, dans un esprit de justice sociale, à réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % d’ici 2030 par rapport à 1990 », [https://propositions.conventioncitoyennepourleclimat.fr].

19 La corbeille de la mariée est une pratique par laquelle un acteur de la distribution prend prétexte d’une augmentation de sa puissance d’achat pour exiger de ses fournisseurs, sans contrepartie réelle, des avantages tarifaires supplémentaires.

20 En tant que zone de transit, la corbeille offre une seconde chance aux fichiers avant leur élimination ou destruction définitive.

21 Ils ne s’entendent pas ici au sens de l’article R. 541-8 du Code de l’environnement, même s’ils répondent à plusieurs égards aux critères contenus dans cet article, c’est-à-dire comme « tout déchet qui ne subit aucune modification physique, chimique ou biologique importante, qui ne décompose pas, ne brûle pas, ne produit aucune réaction physique ou chimique, n’est pas biodégradable et ne détériore pas les matières avec lesquelles il entre en contact d’une manière susceptible d’entraîner des atteintes à l’environnement ou à la santé humaine ».

22 Ces profils utilisateurs « inactifs » continuent de mobiliser les drives et clouds.

23 HUB Institute, 2019, « Facebook, nouveau cimetière numérique ? », [https://www.hubinstitute.com/articles/facebook-nouveau-cimetiere-numerique].

24 La question à se poser est de savoir si ces déchets, tout comme les déchets physiques, peuvent faire l’objet d’appropriation. La réponse à cette question semble dépendre de la nature et de la sensibilité des données abandonnées et surtout de la finalité de l’appropriation. En pratique, le statut juridique imprécis de ces déchets permet une appropriation. Celle-ci se matérialise par le traitement dont ils font régulièrement l’objet.

25 Dans la mesure où ils sont propres à l’outil numérique source et sont à l’origine de la surconsommation en énergie de ce dernier. Ils ne circulent pas et n’ont que très peu d’incidence sur les canaux numériques.

26 Digital Cleanup Day: « The digital trash creates digital pollution that continues to consume energy even when we have forgotten it. Digital trash sits in the backups on servers that provide us with cloud service and continue consuming electricity », [https://www.digitalcleanupday.org].

27 Si la suppression définitive de ces déchets est favorable à la protection de l’environnement, elle ne manque pas d’inquiéter la criminologie, notamment en ce qui concerne la recherche de preuves en cas d’enquête criminelles.

28 ADEME, 2022, « En route vers la sobriété numérique », [https://librairie.ademe.fr/cadic/6555/guide-en-route-vers-sobriete-numerique-202209.pdf].

29 Les déchets flottants sont des blocs de données altérés ou résidus de données qui circulent dans les canaux numériques, les flux de données et qui ont perdu de leur intérêt relativement à leur destinataire, à un traitement numérique.

30 ADEME, 2022, « En route vers la sobriété numérique », précit.

31 Digital Cleanup Day, précit.

32 Voir le rapport d’information fait au nom de la Commission de l’aménagement du territoire et du développement durable par la Mission d’information sur l’empreinte environnementale du numérique.

33 L’ensemble des opérations réalisées sur des déchets qui permet de séparer ces déchets des autres déchets et de les conserver séparément, par catégorie, en fonction de leur type et de leur nature.

34 Modifiant le décret n° 2022-764 du 2 mai 2022 relatif à l’expérimentation d’un dispositif interdisant la distribution d’imprimés publicitaires non adressés en l’absence d’une mention expresse et visible sur la boîte aux lettres ou le réceptacle du courrier.

35 Portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

36 The Shift Project, juillet 2019 « Climat : l’insoutenable usage de la vidéo en ligne. Résumé aux décideurs », [https://theshiftproject.org/wp-content/uploads/2019/07/R%C3%A9sum%C3%A9-aux-d%C3%A9cideurs_FR_Linsoutenable-usage-de-la-vid%C3%A9o-en-ligne.pdf].

37 Voir note 5.

38 La sobriété numérique désigne un changement des usages marqué par la réduction de l’empreinte carbone qui implique d’acheter moins d’appareils et de réduire la consommation.

39 Laure Cailloce, 16 mai 2018, « Numérique : le grand gâchis énergétique », CNRS Le journal, [https://lejournal.cnrs.fr/articles/numerique-le-grand-gachis-energetique].

40 Décret n° 2021-1361 du 20 octobre 2021 relatif aux catégories de données conservées par les opérateurs de communications électroniques, pris en application de l’article L. 34-1 du Code des postes et des communications électroniques ; loi n° 2021-998 du 30 juillet 2021 relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement.

41 Autorité de régulation des transports, « Nouvelles modalités de régulation. La régulation par la donnée », [https://www.autorite-transports.fr/wp-content/uploads/2019/07/note-sur-les-nouvelles-modalites-de-regulation-la-regulation-par-la-donnee.pdf].

42 Traitement renvoie à toute opération ou tout ensemble d’opérations effectuées ou non à l’aide de procédés automatisés et appliquées à des données ou des ensembles de données à caractère personnel, comme la collecte, l’enregistrement, l’organisation, la structuration, la conservation, l’utilisation, la communication par transmission, la diffusion ou toute autre forme de mise à disposition, le rapprochement ou l’interconnexion, la limitation, l’effacement ou la destruction.

43 Il est question de ne pas appréhender les données abandonnées sous le strict angle du droit des déchets actuel.

44 Par exemple, le calculateur Green Algorithms peut être utilisé pour estimer l’empreinte carbone d’une tâche en fonction de ces paramètres, [www.green-algorithms.org].

Citer cet article

Référence électronique

Vanelle Dimitri Onchi Ngongang, « La corbeille numérique, vers un tri et une régulation des déchets virtuels ? », Amplitude du droit [En ligne], 3 | 2024, mis en ligne le 21 mars 2024, consulté le 27 avril 2024. URL : https://amplitude-droit.pergola-publications.fr/index.php?id=560 ; DOI : https://dx.doi.org/10.56078/amplitude-droit.560

Auteur

Vanelle Dimitri Onchi Ngongang

Docteur en droit, ATER, Université de Lille, Centre de recherche droits et perspectives du droit (CRDP – ULR 4487) ; vanelledimitri.onchi@univ-lille.fr

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